Initialement prévu pour 2020, mais décalé maintes fois à la suite d’une petite pandémie mondiale relativement importante, Morbius, troisième film du Sony’s Spider-Man Universe (SSU) après les ignobles films Venom, arrive finalement dans nos salles obscures pour notre plus grand (dé)plaisir. Porté par un Jared Leto toujours aussi déterminé à flinguer sa carrière, ce Morbius n’avait déjà rien de très emballant au départ, mais les nombreux reports du film entraînant un retard conséquent de sa sortie n’arrangèrent pas la notoriété du long-métrage signé Daniel Espinosa (Sécurité Rapprochée, Life : Origine Inconnue). Ainsi, et bien qu’il puisse toujours compter sur la fidélité des fans de l’univers imaginé par Sony (ça existe ?) ou, plus largement, par les fans de l’univers Marvel, Morbius semble connaître une sortie plus confidentielle, faible dans sa promo comme dans l’attrait qu’il génère chez le public, par rapport à d’autres productions super-héroïques. Comme s’il fallait balayer sous le tapis cette infamie le plus vite possible.


Atteint d’une maladie qui ne sera jamais vraiment explicitée à travers tout le long-métrage, le docteur Michael Morbius met au point un traitement curatif, pour lui et pour tous ceux atteints de la même maladie, à base de chauve-souris. Bien que le traitement en question soit encore à un stade précaire, notre bon docteur décide de l’utiliser sur lui-même avant de se rendre compte que sa bêtise entraînera deux atrocités : la première est d’avoir fait de lui un être mi-humain mi-chauve-souris atteint de vampirisme ; et la seconde est d’avoir lancé le scénario d’un énième blockbuster raté. Vadrouillant dans les rues de New York, Michael Morbius va devoir combattre la bête assoiffée de sang qui se terre désormais à l’intérieur de lui, mais également un ami d’enfance bien trop désireux de goûter à ce traitement miracle (et de devenir le méchant diabolique du film).


C’est donc sur cet ersatz de scénario, plus ou moins proche de celui du film Venom, que le film de Daniel Espinoza s’engouffre dans un tunnel de médiocrité de près de deux heures. Néanmoins, à la faiblesse globale de l’intrigue s’ajoute une confusion narrative perpétrée par un montage désastreux, témoignage ô combien gênant d’une production chaotique qu’a connu le film. C’est bien simple : les vingt premières minutes suffisent à comprendre qu’une partie de l’intrigue a été coupée au montage, un constat qui se fera ressentir sur l’entièreté du long-métrage. On commence avec un flashforward montrant Michael Morbius en train de récupérer les chauves-souris dont il a besoin pour son traitement ; puis on a affaire à un flashback qui s’intéressera, cette fois, à l’enfance du petit Michael, pour finalement arriver sur une nouvelle timeline qui s’avèrera être la suite du flashforward que l’on a vu précédemment. 20 minutes et le film parvient déjà à nous perdre. Un exploit.


Mais là où ça devient navrant, c’est qu’au cours de ces 20 minutes, les personnages qui jalonneront le récit n’auront droit qu’à une caractérisation proche du néant, créant de ce fait de nombreuses incohérences désagréables. Comment Milo est-il devenu si riche ? Quelle est cette maladie de sang dont le film nous parle tout le temps ? Comment Morbius fait-il pour apparaître d’un endroit à un autre, comme si cela arrangeait le scénario ? Tant d'interrogations, et bien plus encore, que l'on se posera au fur et à mesure que le film poursuit son intrigue, et qui resteront sans réponses.


C’est dans cet océan d’incohérences que se succèderont situations manichéennes et dialogues affligeants de platitude. Nul étonnement, alors, lorsque l’ami d’enfance de Morbius, Milo, basculera d’une scène à l’autre pour devenir le véritable bad guy du long-métrage sans que le moindre effort ne soit fait pour rendre le personnage crédible. Personne ne sera étonné, là encore, lorsque Morbius et son amie Martine Bancroft entameront une romance à la fois prévisible et sans intérêt. Très vite, le spectateur se verra assommé par une avalanche de poncifs scénaristiques déjà vus mille fois, qui ferait passer Venom 2 pour une mine d’originalité. Rien ne fonctionnera réellement, et ce n’est pas le cabotinage de Matt Smith, les scènes ridicules de Jared Leto en torse nu ou encore les piètres tentatives d’humour qui rehausseront le niveau global.


On pourrait se consoler en se disant que, le film d’Espinosa reprenant directement la figure du vampire et toute la mythologie qui l'entoure, Morbius disposerait de cet héritage en accouchant de scènes véritablement stylisées, ou tout au moins sanglantes. Si seulement. Souhaitant rester regardable par une majorité du public, le film multiplie les ruses afin d’aseptiser l’ensemble. Photographie trop sombre, cadrages hasardeux, découpage trop rapide, giclées de sang en CGI, etc… Tous les moyens sont bons pour montrer le moins d’effets gores possibles. A ce compte-là, ça en devient presque du sabotage : réaliser un film sur un homme mi-humain, mi-chauve-souris, sans en montrer les conséquences pour ceux qu’il croise ne peut amener qu’à un sentiment de lassitude chez le spectateur. Quelques poignées de plans relativement ambitieux (pour le film j’entends) viendront sauver les rares scènes d’action, mais le découpage approximatif et l’impression que le tout baigne dans un nuage numérique absolument difforme empêcheront de convaincre.


La direction artistique, elle aussi, peinera à convaincre, coincée qu’elle est entre une esthétique lisse et ennuyeuse (à l’instar des films Venom) et ses maquillages simplement ringards, faisant brièvement penser à ceux de Buffy Contre Les Vampires. Il sera d’ailleurs amusant de constater que le générique d’introduction et celui de fin bénéficieront d’une esthétique bien plus marquée que l’entièreté du film, un comble.


Dans sa recherche ponctuelle d’échapper à sa propre médiocrité, ce Morbius tentera même d’insuffler, çà et là, quelques inspirations provenant directement du genre horrifique que l’on aurait déjà vu un million de fois (la scène des lumières dans l’hôpital) ainsi qu’une certaine envie opportuniste de rappeler, par instants, en quelques notes la bande-son composée par Hans Zimmer pour la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan. Etrangement, la corrélation entre les deux bandes-son se fera flagrante lorsque Morbius se placera au milieu d'un nuage de chauve-souris sans que celles-ci ne l'attaquent, comme si elles l'accueillaient. Peut-être parce qu'il s'agit d'une scène directement reprise de Batman Begins, allez savoir. A défaut de se trouver une identité, le film se contente de piocher dans celle des autres.


Enfin, comme pour assumer son absence d’enjeux à travers tout le récit, le film s’achèvera sur un climax putassier au possible faisant réévaluer celui du Hobbit : La Désolation de Smog, ne prenant, de ce fait, même pas la peine de dresser une conclusion crédible à l’histoire de ses personnages et de leurs mésaventures. Et ce ne sont pas les scènes post-crédits, parmi les plus risibles que l’on ait vu dans l’univers Marvel, qui parviendront à rattraper cette fin désastreuse, celles-ci se contentant simplement de ramener un personnage quasi-oublié de l’univers du MCU : le Vautour. Si c’est là tout ce que l’on a à attendre des scènes post-crédits du SSU, cette espèce de ping-pong de fan-service entre cet univers et le MCU, inutile de se donner la peine d’attendre ces scènes dans les futurs films de Sony. Moins vous resterez en présence de ce trou noir sur pellicule, mieux vous vous porterez.


A terme, il est intéressant de constater que la médiocrité constante de ce Morbius ne frappe pas (nécessairement) tout de suite le spectateur, contrairement à un Venom 2 par exemple. Le film est d’une telle vacuité, d’un tel vide abyssal, qu’il aura tendance à aspirer le spectateur dans un vortex de nullité ne générant aucune émotion : ni excitation face à un blockbuster efficace, ni colère face à un énième foutage de gueule signé Sony. Pourtant, la plupart des critiques s’accordent à dire qu’il s’agit là d’un échec total, et ce malgré la tentative de Sony de faire du racolage en intégrant dans sa bande-annonce des plans (en apparence stimulants) qui ne seront, au final, jamais dans le film. Comme une preuve de plus de la conception chaotique qu’a connu le film. Morbius est un produit marketing qui a tout du désastre ; mais face à cette séance de non-cinéma, à ce navet de près de deux heures, on se surprendra vite à n’attendre rien d’autre du film que de voir défiler le générique de fin.

SwannDemerville
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le 1 avr. 2022

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Swann

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