(Attention, spoilers!) #Mayday #Mayday


Il est des oeuvres qui font dès leur sortie l'unanimité auprès des cinéphiles, a minima la quasi, en leur faveur ou à leur encontre. Il en est d'autres qui mitigent, questionnent, rendent perplexes, sans pour autant les encenser démesurément ou les condamner catégoriquement à mort. Et puis, vous avez celles qui divisent littéralement, déchaînent les passions cinématographiques, donnent lieu à des joutes vigoureuses, auront leurs défenseurs comme leurs accusateurs, compteront autant d'idolâtres invétérés que de furieux détracteurs, ouvriront la voie aux arguments les plus pertinents comme les plus abscons. Il est clair que Mother! trouve sa place dans cette dernière voie. Partout, spectateurs et journalistes s'émeuvent d'un accueil hétéroclite. Froid à la Mostra de Venise. Composite dans la presse, certains criant au chef d'oeuvre, d'autres au nanar. Catastrophique chez les spectateurs américains, CinemaScore lui ayant accordé l'une des rares pires notes de son histoire, un F (effectif de la classe: 38). En même temps, la vérité vient-telle de la bouche des agences de notation (les bouches s'exprimant étant cependant celles des spectateurs)? N'affirme t-on pas, de plus, que "Nul n'est prophète en son pays"? Le film serait-il peut être trop singulier, pour ne pas dire exotique, pour un public américain croissement exposé à une uniformité et à une désespérante homogénéité? Et si, à l'instar de Woody Allen (exact opposé cinématographique), Darren Aronofsky parlait davantage aux cinéphiles européens qu'au grand public américain (questionnement pour ainsi dire très con)?


Partons en France. Sur Celui-dont-on-ne-doit-pas-citer-le-nom-sur-SC-au-risque-d'être-écartelé-et-commençant-par-un-Allô, la moyenne presse s'élève à 2.8/5, des cinq étoiles de Elle, 20 minutes ou Cinémateaser, à l'unique étoile de Télérama, Libé ou Les inrocks. Les spectateurs semblent dans leur moyenne avoir été moins cléments avec un 2.5, tout juste le 10/20 qui nous faisait parfois pousser des oufs de soulagement en physique-chimie au collège (discipline dont les effets orgasmiques étaient chez moi limités au possible), soit dans le détail: 18% de cinq étoiles, 14% de quatre étoiles (32% d'adorateurs au total) mais 30% de haters suprêmes (auxquels on peut rajouter les 14% d'internautes ayant collé une seule étoile au film, soit 44% de haters!). Un témoignage de plus des réactions extrêmes que l'Aronofsky a suscité chez les spectateurs? Atterrissons à présent sur la galaxie SC: 6.4/10, soit une moyenne tout à fait correcte, avec de clairs pics constatés à 7 et 8, et - surprise - relativement peu de notes (sur le plan proportionnel) inférieures à 5. Pourtant, lorsque je consulte les avis de mes éclaireurs, je constate qu'entre la team 3 et la team 8, il existe un monde parallèle, un inattendu gouffre sous le plancher rendant toute réunification impossible. Les contraires s'attireraient-ils vraiment? Que nenni, tout du moins cinématographiquement parlant.


Fini de parler statistiques, bien que ce fut un excellent moyen de retarder la douloureuse infligée par @rem_coconuts à Darren Aronofsky, dont le brillant et sublime Black Swan m'avait pourtant subjugué et retourné six ans plus tôt, et discutons à présent cinéma. Nulle oeuvre ne mérite à mon sens d'être encensée ou, pire, condamnée d'avance (hormis si elle relève automatiquement de la catégorie du nanar ou du blockbuster à deux balles, je ne me permettrais pas de citer de noms agissant comme répulsif). Ainsi, je me suis rendu aux Halles sans préjugés, juste la diversité des réactions ayant entouré le film à l'esprit, libre et vierge de toute critique, m'attendant à ce que de mon point de vue sur Mother! émerge un avis plutôt tranché, espérant me prendre dans la gueule un thriller psychologique la trempe du cygne noir gracieux et torturé qui valut un Oscar à Natalie Portman. Et pour sûr que mon avis sur le dernier Aronofsky a été tranché, chers lecteurs. Et sachez d'ores et déjà que lorsque @rem_coconuts assène une oeuvre d'une note inférieure à 5 et s'offre le luxe temporel et spirituel d'en rédiger une critique (relativement) assassine (mais sans gratuité aucune) - mais peut être pas autant que ne l'est ce film - il ne fait que rarement dans la dentelle. J'hésitai ainsi entre le rire sarcastique et la consternation, la désespérance et le pathétique soupir, le sourire goguenard et le questionnement poussé que se sont posés nombre de camarades à la découverte de Mother!: mais que diable est-il arrivé à Darren Aronofsky pour nous pondre ça?


N'étant toutefois pas mû par le souci de jouir systématiquement de la raison au détriment de mes prochains - quoique les sagittaires finissent toujours par avoir raison #lol -, a fortiori cinématographiquement parlant, étant par essence ouvert au débat d'idées et aux arguments d'autrui, je n'ai pas souhaité échapper à un retour sur Mother!, ses qualités relatives, l'éventail des interprétations (parfois aussi farfelues que ne l'est le film c'est dire, à croire que des plantations d'ayahuasca ont massivement prospéré dans les métaphoriques jardins jonchant le sol des salles obscures, promis je cesse ensuite de me moquer le temps de quelques lignes durant, ô admirateurs de cette pépite du septième art, pourtant j'avais promis, je suis décidément incorrigible, mais cela est de bonne guerre), un dialogue avec cette oeuvre et ces personnages.


Commençons ainsi par le commencement: un couple perdu dans une grande demeure inquiétante elle-même paumée au fin fond de la cambrousse américaine, des arbres et des oiseaux (trop beaux pour être vrais), Madame vient de retaper la dite baraque appartenant à Monsieur après un incendie. A noter que Madame n'a ni nom ni prénom ni état civil, alors que nous émettons l'hypothèse ô combien sérieuse et légitime en vertu de laquelle son écrivain de mari doit nonobstant bénéficier de dispositions en la matière afin de pouvoir dédicacer son chef d'oeuvre à une horde croissante d'envahisseurs mi-zombies, mi-fidèles de son culte (cf. suite savoureuse). Oubliez dès à présent les Nuit des morts-vivants, Dernier train pour Busan et autres merveilles, tout cela, c'est de la pure gnognotte bas de gamme que nul collecteur de soldes de dernière démarque ne daignerait ne serait-ce qu'effleurer de son index expert (ironie quand tu nous tiens). Donc je disais qu'ils vivaient aux antipodes de la nature et de toute vie humaine d'une part, et censée d'autre part (nous sommes déjà partis dans une autre dimension). Let's go to the first scene of The Movie. Madame est en train de cramer et de passer à l'état de dinde rôtie (le film ne se déroule pourtant pas pendant Thanksgiving). Monsieur récupère une pierre de verre dans les cendres (on a retrouvé la pierre philosophale!!!! Harry!!!!), la pose sur un socle (attention Javier Bardem manipule un objet, prenez une photo, vite!) dans une pièce obscure et fortement dégradée (par supposition probablement calcinée par l'incendie, question de perspicacité) et PATATRAS elle est ressuscitée! Oubliez zéro tracas, zéro blabla, MMA, adieu c'est la MAAF, fuck les assurances, clic clac claquement de doigts, pas besoin de travaux ni d'entrepreneurs, on n'est pourtant ni dans Mary Poppins, Merlin l'enchanteur et encore moins dans Joséphine, ange gardien, et pourtant, la maison reprend instantanément vie (à moins que la vie ne s'en éprenne pour la première fois, qui sait?). Boiseries, sol et plafond, murs, tissus, tentures, végétaux, arbres, tout se relève et se retrouve baigné dans la lumière, la vie reprend le dessus, waooouh. Point de condamnation toutefois, le 7ème art n'étant pas par définition voué à donner à voir un cinéma du réel ascétique, pourquoi pas. Let's go to the second floor, in "la chambre du couple" ou "la chambre conjugale" pour les intimes (en même temps vu le degré de vie intime du couple, tant quotidien que sexuel...). Les oisillons roucoulent et le soleil baigne de ses rayons naissants le visage d'une jeune femme endormie qu'on identifie par déduction comme la Mother! du film. Elle, Jennifer Lawrence (actrice que j'estime énormément, sans ironie aucune je tiens à le préciser, disons qu'elle fait le job en dépit d'une direction d'acteurs ici relativement médiocre), se réveille, à la recherche de son mari: "Baby?". Par souci d'honnêteté et de franchise, il faut noter que cette première séquence sera également l'ultime du film: je n'aime spoiler les films que lorsque je les prends en désamour, c'est bien connu.


Passent donc les premières minutes. Dès lors, Mother! présente des ressentis étranges et déstabilisateurs quant à cette maison. Névrosée aux yeux d'Aronofsky? Jamais! Psychotique? Schizo? Folle? Hystérique? Certainement pas! Et en plus, il se trouve par le pur produit du hasard que Mother! est une femme, coïncidence, vous ne trouvez pas? D'une modernité sans nom en 2017, des traits jadis assimilés au sexe (le genre? gné? déjà que la prétendue névrosée est naturellement une femme, ne soyons pas trop en avance sur notre temps) féminin et qui le semblent toujours dans cette cahute au fort potentiel chimérique (utilisons le terme de cauchemardesque plutôt que de faire preuve d'un soupçon inexistant de finesse) et fantasmagorique. Mother! ressent cette maison comme son propre corps, ses vibrations, se retrouve déséquilibrée, perçoit les murs et le sol battre, l'eau bouillir et résonnante, mais le pire dans l'histoire, c'est qu'elle voit un cœur en voie de vitrification battre dès lors qu'elle effleure de sa main les murs de la maison! Et hop, on monte dans la salle de bains se prendre sa dose d’anxiolytiques tout droits sortis de la pharmacie d'Harry Potter, une petite fiole, un petit coup de liquide doré et doté de particules et ça repart. Théorie première donc et, par conséquent, extrêmement avant-gardiste et marquée du sceau de son temps: Mother! est une folle complètement dégénérée shootée aux anxiolytiques. Et bien non, cinema! (prononcez à l'italienne ce dernier terme pour insister sur sa connotation) Puisque le frustré dans l'histoire, le dépressif réel, le pauvre petit chou désespéré - et parce qu'il est bien connu que les femmes sont toutes des cinéastes, hein? comme ce cher Cristiano Ronaldo et ses collègues footballeurs en pire? - c'est le mari! Syndrome de la page blanche, zéro inspiration, dépité par cette solitude et ce quotidien lassant avec son épouse-femme au foyer (tant qu'à faire, soyons fous, osons TOUT), privé de libido et de désir pour elle (et de désir d'enfant), l'homme semble s'être éteint avec sa maison. Nul ne se doute alors que Monsieur va se retrouver subitement revigoré et revivifié par le débarquement inopiné d'un voyageur étrange, seul, prétendument à la recherche d'un Bed and Breakfast (aux States? Really?), en réalité à la recherche de son écrivain favori. Monsieur accueille l'inconnu - également mourant de son état -, lui offre l'hébergement et le prend en amitié. Besoin de socialiser et de voir du monde qu'il dit. Et tout cela, sans l'aval de Madame bien sûr (puisque Monsieur je-me-touche est le chef de famille, c'est lui l'homme - même s'il ne daigne pas faire un enfant - et encore moins l'amour - avec son épouse - !), décontenancée et suspicieuse tant vis-à-vis de la présence de cet inconnu démasqué admirateur (ce qui n'est pas pour déplaire à Monsieur, pour une fois qu'on s'intéresse à son travail, voyons!) que du comportement inhabituel de son mari, comme absorbé et béat devant son nouvel ami. Jusque là, je me dis qu'on évolue vers du psychologique, qu'il y a quelque chose à faire autour de cela. C'était sans compter la suite que je m'apprête à vous résumer en quelques lignes, puisque Wikipédia s'est déjà chargé du résumé détaillé, et que là ne se situe pas l'objet de la présente critique (attention méga spoilers)



  • Monsieur est tellement enthousiaste qu'il invite toute la smala de l'inconnu, épouse hautaine qui prend ses aises et semble lire à travers Mother!, se mêle de tout, les fils débarquent, se disputent sur le testament du père encore debout, l'un tue l'autre, olé.

  • Seule dans la maison abandonnée de tous, Mother! pète une crise d'angoisse, découvre des trucs chelous (ruissellements, caverne secrète dissimulant... la chaudière (le cœur battant de la maison LOL), le parquet qui fond à cause du sang du défunt, une sorte de fœtus appartenant à la vieille au fond des WC etc etc.)

  • Retour de l'écrivain et de la smala. Le premier ne trouve pas meilleure idée que d'inviter tous les proches du défunt à venir dans la maison. Les invités deviennent envahisseurs (baise dans la chambre conjugale, drague de la maîtresse de maison, pétage de canalisations...). Tous refusent d'obtempérer aux ordres de Mother! qui commence légitimement à devenir vénère, à gueuler "It's my house! It's my house!", à vouloir foutre tout ce petit monde qui la nargue dehors sous les yeux revolver de l'épouse précédemment citée. Elle finit par les virer.

  • Après engueulades et reproches avec le mari, elle tombe enceinte. Il pond un bouquin d'une traite (crédible la scène de la fulgurance plumesque^^), elle abandonne les médocs, tout le monde est content.

  • But LAST BUT NOT LEAST. Enceinte jusqu'aux yeux, à deux doigts d'accoucher, alors qu'elle prépare un bon dîner à son mari pour fêter la sortie, ce dernier se retrouve envahi par une horde de fans hystérique devant son domicile. Il est ravi, on l'adore, on l'adule, il est comme pénétré et exorcisé par la foule sous les yeux et les cris impuissants de son épouse, tout le monde envahit la baraque et là, orgie totalement asexuée d’événements incontrôlables et accumulation indigeste. Elle accouche, il présente le bébé à la foule qui le déchiquette. Il ne réagit pas, elle fait exploser la baraque avec la chaudière, le seul survivant (ô miracle) de mari prend le cœur devenu verre de l'épouse et on repart à zéro, le soleil, la nature, "Baby?" etc. etc.


Qu'on analyse le film à l'aune du rapport de l'artiste, de l'écrivain, à son art, son manque d'inspiration, son besoin absolu de reconnaissance, d'admiration et d'adulation excessive, cet ego à la fois démesuré et nécessaire pour exercer son art (ou faire de la politique), je l'entends, soit. Elle n'est pas dénuée de vérité et je pense, à titre personnel, qu'il est évident qu'Aronofsky a voulu en faire l'un des thèmes clés de Mother!, à travers le personnage incarné par Jennifer Lawrence qui se retrouve complètement mise sur le carreau, dévorée par l'aveuglement et le besoin de gratification de son mari qui n'exerce aucun contrôle et laisse tous les droits, y compris les plus extrêmes et radicaux, à la foule qui s'incline devant lui tel un Dieu. Se posent cependant deux écueils, et non des moindres, à la réussite de la passation du message. D'une part, cette interprétation n'est qu'une partie de l'incompréhensible énigme à laquelle nous confronte le réalisateur. Mirez ainsi mes yeux écarquillées devant les interprétations allumées sur l'écologie - whaaaaaaaaaat? -, le féminisme du film - HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA -, ne parlons même pas du cosmolo-mystico-nigologisme sur la naissance de l'univers à travers le rôle de la maison et les vibrations de Mother! qui dépassent à mon sens le pire même de Terrence Mallick qui, au moins, nous offre la décence de magnifiquement filmer son oeuvre. Okay, l'aspect religieux est évoqué à travers l'espèce de culte malsain un tantinet psychédélique et extrêmement psychotique voué à l'écrivain (à coups de bénédictions, poses de colliers, chandeliers, messages sur les murs, pour un peu tu te croirais en Inde ou dans une église évangélique sud-américaine misogyne, homophobe et rétrograde #sansdec), mais une simple évocation ne fait point un film pour autant.


D'autre part, là où le bât blesse gravement, de manière quasi-meurtrière, c'est au niveau de la forme, littéralement catastrophique de par son grotesque extrême, son ridicule sans nom indigne du talent de Darren Aronofsky et de ses acteurs mal dirigés, une orgiaque (pas sur le plan sexuel, je ne suis point pudibond à ce point) bouffonnerie tellement absurde et insignifiante qu'elle en devient comique. Ah ça, qu'est ce que j'ai ri, même devant les scènes les plus dramatiques et les plus atroces de ce films, mais j'ai ri, j'ai ri, j'ai gloussé! Non pas que je recherche systématiquement le cinéma du réel (je ne passe pas ma vie à me mater des Dardenne), le 7ème art doit continuer de nous offrir des instants de rêve ou de cauchemar, nous permettre de nous évader, nous transporter dans une autre dimension, sous le prisme du réel ou du fantastique, mais toujours dans un souci de crédibilité! Là pour le coup, Aronofsky vous projette non pas dans la 4ème, ni dans la 6ème, encore moins dans la 17ème, mais dans la 128e dimension! Ce n'est plus l'anarchie, c'est le bordel le plus total, le monde entier (soit 7.55 milliards d'individus estimés) se retrouve à détruire la maison, à emporter le lit du bébé et un morceau de canalisations, à écrire des mots sur les murs, à s’entre-tuer sans raison puisqu'à croire que Dieu l'écrivain n'est plus le mobile de cette invasion barbare, les flics et l'armée (rien que ça!) débarquent et flinguent tout le monde à coups de kalach, et pourtant il y a encore davantage de monde, une soirée Projet X c'est de la grosse merde à côté, et au moins c'est gérable par les flics, là on est dans la gratuité la plus totale et, pire, obscène, on en vient même à se partager le bébé qu'on déchiquette sous les yeux de l'épouse désespérée, et le mari qui dit limite merci, merci les tarés d'avoir explosé ma progéniture, de toute façon je suis aussi possédé que vous, je suis fou, FOU, FOOOOOOOOOOOOU, j'ai perdu les pédales moi aussi, allez-y dépecez moi à votre tour, enfin non j'ai besoin de vivre pour qu'on m'arrache la chemise et qu'on s'accroche à mes couilles, frappez la gueule de ma femme qui vous insulte indignement (film féministe vous dîtes?), elle l'a bien mérité, puis finalement non faut qu'elle vous pardonne - parce que moi, je vous pardonne tout, y compris lorsque vous avez brisé le cœur de verre que j'ai retrouvé dans l'incendie de ma maison #chelou - allez y aimez-vous, adulez-moi, oh oui, oh oui, pénétrez dans mon for intérieur, envahissez-moi, car-jackez moi! J'entends que le besoin extrême d'intéresser les gens, la drogue que représente la notoriété, puissent être démesurées, mais où est donc passée la crédibilité? Où est passée la finesse, celle qui fit briller le talent d'Aronofsky avec ses précédents films, celle qui permet de traiter avec justesse d'un sujet et d'offrir au spectateur le loisir de la réflexion? Je n'ai absolument rien contre le fait de filmer la démesure et l'anarchie (en même temps, pourquoi y serais-je objectivement opposé?) mais là, je ne vois juste qu'un vague bordel sans nom! T'imagines les G.I. débarquer, exploser la gueule à tout le monde (déjà la planète entière dans une baraque de campagne faut le faire!) et se la faire exploser? Dans un film fantastique/d'anticipation revendiqué et assumé, pourquoi pas. Le souci étant le suivant: Aronofsky n'assume ici rien de ses choix cinématographiques et "scénaristiques", de son sujet à sa forme, de son genre (quoique la classification des films selon le sacro-saint comédie/drame/policier... me semble aujourd'hui très obsolète) à son fond plus que chaotique, pour ne pas dire souvent inexistant.


Quel est le sujet de votre film, Darren Aronofsky? De qui et de quoi avez-vous voulu nous parler avec Mother!? Sans doute de Mother! à la lecture du titre du film. Force est de constater à mon sens que non, au vu de ce qui est, de manière édifiante et tristement, offert à ce personnage, dans l'apogée des stéréotypes rétrogrades. Certes, la suite du récit casse, fort heureusement, ces postulats dérangeants et malsains précédemment énoncés, puisque la folie se trouve du côté du mari, complètement fou de lui et de ses fans (l'étant tout autant de lui). Mais merde, pourquoi tant de caricatures? Et quel rôle pour Mother!? L'épouse et mère délaissée? La castratrice (pas trop rétrograde non plus, hein?) désintéressée de son mari et de son talent? La victime de l'orgueil de son narcisse de mari? Là où cette dernière piste correctement exploitée pouvait offrir de l'épaisseur et de la tessiture à l'oeuvre, pourquoi toutes ces digressions risibles autour de la maison et de ce cœur battant, aussi métaphorique puisse-t-il être mais surtout dénué - selon mon point de vue peut-être abruti - de tout sens et encore plus de signification certaine? Je n'ai point vu dans Mother! de métaphore sur la naissance de l'univers (plus de la branlette que du fond à mon sens, avec tout le respect que j'ai pour ceux qui plussoient cette dernière interprétation), je n'ai rien vu de mystique dans ce bordel, ne parlons même pas de la destruction de la planète et de l'environnement qui me fait pousser un aussi mauvais que ma critique et que ce film "lol". Oui, quelques trucs sur le culte quasi-religieux du fan envers son idole, la soif de reconnaissance, la sensation d'invasion, certes. Mais tellement mal exploités. Nulle direction. Beaucoup de divagations inutiles, une énorme partie du scénario me semblant inutile, un mix complètement raté entre le réel cauchemardesque, le pseudo-thriller psychologique et le fantastique, les uns n'ayant absolument rien à voir avec les autres. A croire qu'en Mother! se juxtaposent une multitude de pseudo-récits s'annulant les uns les autres, de cette maison surnaturelle à ces étranges invités disparaissant à la moitié du film, du very bad trip autour de l'écrivain de mari au reste inqualifiable tellement je suis perdu, j'espérais vite sortir de la salle plutôt que de subir encore ce film exaspérant, partant dans une direction et dans une autre diamétralement opposée, nous amenant sur un chemin pour subitement se retrouver sur un autre et aboutir à un point C, pardon, plutôt D, puisque tout se mêle schizophréniquement dans une espèce d'hallucination dopée aux substances que j'aurais préféré prendre avant de découvrir Mother!. Next time, je me prends quelques shots de vodka pure, au moins ça passera mieux. Quoique je ne suis pas certain d'une chose: celle de saisir dans quelle(s) direction(s) pouvoir s'orienter à la réflexion sur ce film. Tirois, pluralité de caps, liberté d'interprétation, fin ouverte, je suis preneur. Le problème étant qu'ici, il n'y a rien de tout cela. Tout s'accumule, se côtoie et s'annule. Bref, c'est Halloween à la cambrousse mais sans aucun symbole d'Halloween.


Au moins Aronofsky aura t-il eu un mérite: celui de montrer l'irrationnel dans toute splendeur, à commencer par le sien propre. D'ailleurs, je file voir un psy de ce pas pour me remettre de cet incommensurable calvaire.


P.S.: je précise que je n'ai pas écrit cette critique bourré ou dans un état second^^

rem_coconuts
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le 3 oct. 2017

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