Mother! fait partie de ces films qui te laissent un souvenir indélébile. J'en avais entendu parler comme d'une expérience cinématographique hors du commun, l'un des objets filmiques les plus puissants de l'année, déchaînant les passions et la haine. Une fois le visionnage terminé, j'ai effectivement compris pourquoi.
Parce que Mother! est avant tout le prototype le plus représentatif du cinéma de Darren Aronosfsky. Un cinéma halluciné, où visions abstraites et métaphoriques sont mêlées à un réalisme documentaire viscéral et créent ainsi des images à mi chemin entre le vraisemblable et le cauchemar éveillé. Mother! démarre comme un thriller psychologique tout ce qu'y a de plus classique, prenant son temps pour placer ses personnages, établir un tissu de relations et convoquer une atmosphère pour ensuite placer son spectateur, collé au personnage de Jennifer Lawrence (magistrale), dans un état de malaise constant et de claustrophobie, physique et psychologique. Les 2H00 que composent le film sont structurées à la manière d'un entonnoir, une montée en pression et une descente aux enfers de l'étrange de plus en plus étouffante et alarmante.
En clair, plus le film défile devant nos yeux, plus nous sommes interrogés par ce que nous sommes en train de voir pour déboucher sur une conclusion inévitable, une fois le film terminé : il faut le prendre comme une métaphore.
Parce que ce qui fait la puissance du film, c'est sa capacité à aborder un nombre assez incroyable de sujets et d'arriver à les interconnecter de façon logique et organique, mais qui prennent leur sens à la toute fin du film. Aronofsky laisse cependant des indices sur la nature de ses propos tout au long de l'oeuvre mais l'on en comprend les tenants et les aboutissants à la seule fin de celle ci, ce que je trouve suffisamment rare de nos jours pour être mentionné.
Il sera donc question ici de la création, sous toutes ses formes : matérielle, organique, artistique et biblique, mais également (et surtout) des causes et conséquences de la création. Comment créer ? Pourquoi créer ? Une fois la création produite, comment s'en détacher ? Comment l'offrir ? Comment l'accepter ? Comment la faire vivre ? Des questionnements profondément humains, quasiment métaphysiques qu'Aronofsky traite avec tellement de subtilité et de richesse que le film semble parfois surchargé et même frustrant tellement les éléments d'analyse s'entrechoquent et l'on tente de les comprendre tous à la fois.
Clairement Mother! est une expérience audiovisuelle d'une rare force dans le paysage audiovisuel contemporain, qui m'a personnellement beaucoup parlé et m'a surtout accroché au siège dans sa totalité. Un film somme, une pure oeuvre d'art, aux multiples niveaux de lecture, le cinéma dans sa plus pure forme ou l'art et le spectacle se rejoignent dans un mariage parfait et déboussolent son consommateur.
Bravo Monsieur Aronofsky.