Dans quelles contrées s’est donc fourvoyé Jaco Van Dormael ? Telle est la grosse interrogation qui apparaît à la vision de "Mr Nobody", film d’une lourdeur et d’une vacuité sans pareilles. Malgré une question de départ maintes fois ressassée au cinéma – un choix peut-il changer le cours d’une existence ? –, on aurait pu s’attendre, au vu de l’imagination féconde du cinéaste belge, à un résultat positivement inattendu. Force est hélas de constater que l’ami Jaco ne fait montre d’aucune originalité et qu’il nous donne tout simplement à voir, vingt ans plus tard, un faible ersatz de son génial "Toto le héros" : même idée initiale (« ma vie aurait pu être autre si… »), même jeu éclaté sur plusieurs temporalités, même amalgame entre réalité, fantasmes et autres « possibles ». Son inspiration défaillante est d’ailleurs telle qu’il va jusqu’à reprendre le principe de la voix over et du narrateur omniscient – peut-être trop explicatif dans certaines séquences –, voire des répliques exactes de plans et de dialogues de son premier opus. Preuve s’il en est d’un manque flagrant d’imagination, à moins que ce ne soit là l’empreinte du style « vandormaelien » ?
Toujours est-il que l’on s’ennuie ferme et que la durée du film (près de 2h20) n’arrange guère les choses. Certes, l’image est belle et plutôt bien construite ; Van Dormael dispose de gros moyens et il ne s’en cache pas, notamment dans la représentation de son univers futuriste, très esthétique mais d’une froideur clinique qui empêche toute adhésion et empathie du spectateur, faisant davantage songer à un immense « clip » publicitaire que véritablement du cinéma… Seul l’épisode adolescent apporte cependant un peu de chaleur et d’intérêt.
Beaucoup de longueurs et de superficialité donc pour un film dont on aurait pu au moins espérer une conclusion “détonante” qui transcenderait le cheminement laborieux qui y mène… Même pas ! Tout débouche finalement sur l’idée simpliste et atterrante qu’« on peut décider de ne pas choisir ». Ajoutons à cela l’interprétation totalement transparente et dénuée d’émotion de Jared Leto. Jamais un personnage n’avait si bien porté son nom dans un film qui eût pu, dans le même ordre d’idée, s’intituler "Nothing". Il est bien loin, le temps où notre Jaco, dans son modeste « plat pays », s’adonnait à la simplicité et l’innocence poético-onirique qui faisaient le charme de ses premiers films. À bon entendeur…