Mulan
7.3
Mulan

Long-métrage d'animation de Barry Cook et Tony Bancroft (1998)

Éclosion d'une héroïne exceptionnelle

J’ai regardé pour la première fois Mulan (1998) vers 22 ans et il ne m’avait pas laissé une grande impression jusqu’à ce que je le revisionne tout récemment ; indéniablement, c’est un film plein d'émotions qui a fait naître une héroïne unique que j’aime beaucoup maintenant, une pionnière à part entière.

En plus d’être la première Chinoise à être le personnage central d’un film des studios Disney, Mulan (inspirée de la légende de Hua Mulan) séduit non seulement par ce qu’elle est, mais aussi et surtout par ce qu’elle accomplie. D’abord dépeinte comme une jeune fille indépendante mais maladroite, et non focalisée sur le mariage à l'inverse de bon nombre d'héroïnes l’ayant précédée, elle marque les esprits en s’infiltrant dans l’armée à la place de son père malade en se faisant passer pour un homme, léguant une leçon de courage incroyable. Je veux dire, comment ne pas avoir de frissons devant la scène de sa décision / transformation ? Elle est si forte en symbolique et la musique qui l’accompagne, signée Jerry Goldsmith (La Planète des singes, Papillon, Chinatown), est juste superbe.

Mais la scène que j'estime la plus impressionnante est celle où notre combattante déclenche une avalanche dévastatrice. Sans même faire usage de la force, elle décime ainsi des milliers d’ennemis, s’inscrivant au passage comme l’héroïne Disney avec le plus grand nombre de victimes à son actif. Puis l'animation est remarquable dans cette scène d'action.

Clairement, Mulan est un exemple de femme forte réussie. À travers son émouvante chanson « Réflexion », on comprend son désir d’honorer les siens tout comme celui de préserver son individualité, ce qu’elle parvient à faire au bout du compte. J’aime qu’elle soit téméraire tout en ayant des défauts, ça la rend attachante. Aussi, ses premiers essais en tant qu’homme sont impayables. Et son côté girl power ne nuit pas aux personnages masculins, erreur que certains films pseudo-progressistes actuels ont tendance à faire. Le seul personnage masculin à être figuré de manière qu’on s’en moque est Chi-Fu, le conseiller de l’Empereur, parce qu’il méprise tout le monde et est ouvertement misogyne. Autrement, aucun personnage masculin n’est intentionnellement toxique envers la gente féminine, la plupart ne faisant que se conformer à ce qu’on attend d’eux dans une société où la virilité est valorisée.

C’est le cas de Li Shang, le chef du régiment que Mulan/Ping intègre. On remarque d’emblée qu’il cherche à prouver sa valeur en tant qu’homme et en tant que fils quand il se retrouve avec le poids de la sécurité de la Chine entre les mains. Sérieux, droit, pragmatique, compétent, strict, fort, il est dès le départ déterminé à faire de ses recrues des hommes, des « vrais » (à propos, sa chanson « Comme un homme » est géniale), et y arrive à coup d’entrainements musclés, démontrant qu’être un homme (tout comme être une femme) n’est pas chose innée et nécessite un apprentissage. Mais comme tout le monde, il a également ses faiblesses. En plus d’être socialement maladroit et pudique, son inexpérience et son obstination lui joueront des tours, poussant Mulan/Ping à le secourir plus d’une fois ; des scènes qui, en plus de jouer adroitement sur les rôles de genre, démontrent que le devoir de la virilité peut être un fardeau. En plus de ça, ce personnage s’entiche de notre héroïne (et vice-versa) alors qu’elle prétend être un homme, révélant malgré lui une forme d’attirance autre qu’hétéroromantique, chose inédite dans un film Disney, tout comme le fait de ne pas conclure le film sur un baiser d’amour.

Enfin, que ce soit à travers lui ou Mulan, les questions du genre, du devoir et des traditions, sont finement mises en exergue, rendant le film profond et intéressant.

Comme vecteurs des thèmes du devoir et des traditions, on trouve aussi les parents de Mulan, Fa-Li et Fa-Zhou, que j’apprécie. Tout d’abord, on notera le fait qu’ils sont deux parents et pas un seul, Disney ayant tendance depuis toujours à planter des situations familiales où le personnage principal n’a qu’un parent, parfois aucun (pour cause de morts ou de disparitions). Ici, on a bel et bien affaire à deux parents, et là où d’autres films les auraient dépeints comme des enfoirés sans-cœur du fait qu’ils veulent marier leur fille, ce film se montre nuancé en les montrant sincèrement préoccupés par son bien-être et voyant dans le mariage un moyen pour elle de trouver sa place et de leur faire honneur, conformément aux normes. Pour rappel, l’histoire se déroule dans une Chine médiévale (sans doute plus fantasmée qu’historique mais bref) où les femmes n’ont d’importance qu’en tant qu’épouses. Du coup, que les parents pensent ainsi n’a rien de surprenant ni de mauvais en soi. Ils font juste ce qu’ils pensent être le mieux pour leur fille grandissante, laquelle ne semble pas leur en vouloir puisqu’elle ira tout bonnement à la guerre par amour pour son père. En somme, ce sont de bons personnages de parents. À leurs côtés, on compte aussi Grand-Mère Fa, qui rejoint le cercle des mamies loufoques chères à Disney et qui sert par définition d’élément comique, notamment au début, quand sa petite-fille doit se présenter à la Marieuse et qu’elle s’en remet à un cricket pour lui porter chance.

D’ailleurs, je crois que Mulan ne ferait pas autant mouche s’il était dénué d’humour. L’histoire se déroulant en temps de guerre contre les Huns en Chine, il était crucial selon moi que le film sache jongler entre émotions et humour pour faire fonctionner ses thématiques et ne pas déranger les jeunes spectateurs. Et pour ça, il a misé sur quelques personnages comiques.

Le premier à venir en tête avant même Grand-Mère Fa est assurément Mushu. Par sa taille de lézard et son caractère facétieux, ce dragon rouge, qui va aider Mulan dans sa mascarade, est certainement l’un des sidekicks les plus populaires de l’univers Disney. Doublé en plus par Eddie Murphy en anglais et par José Garcia par chez nous, il nous régale de moments drôles et participe largement à l’attractivité du film (bien que le coup de la fusée déclenchée par inadvertance et qui alerte les ennemis me reste en travers de la gorge). Il en est de même concernant Yao, Ling et Chien-Po, les compagnons d’armes de Mulan. C’est par eux que celle-ci se familiarise (non sans accrocs) avec le monde des soldats et, plus généralement, des hommes, entrainant des scènes délicieusement cocasses, comme celle de la baignade. Par leur bouffonnerie qui rompt avec l’image quasi-parfaite que renvoie leur capitaine Shang, ils injectent malgré eux des touches de légèreté quand il le faut. Il n’y a que le passage où ils se déguisent en femmes pour charmer les envahisseurs que je trouve un tantinet ridicule, mais autrement, leur présence reste divertissante.

Il faut bien ça quand les Huns, menés par un grand méchant, menacent de s’emparer du pays. Le grand méchant en question se nomme Shan-Yu et on peut dire qu’il en impose. Se présentant comme un être gigantesque avec des yeux jaunes perçants, Shan-Yu est un terrible chef de guerre qui inspire une peur certaine le peu de temps qu’il apparaît.

Doublé par l’illustre Richard Darbois en français, celui-ci n’hésite pas à commettre un génocide de masse avec son armée pour prouver sa force, ce qui fait de lui le plus grand meurtrier créé par Disney.

De ce fait, il est dommage que son combat final contre Mulan soit si court. Au vu du chaos qu’il propage, on se serait effectivement attendu à ce qu’il donne plus de fil a retordre à notre personnage titre (qu'il n'a pas l'air de percevoir comme inférieur, étonnamment). Cela aurait rendu la scène d’autant plus épique et la victoire de Mulan plus significative encore. Pourquoi n’a-t-il pas songé à faire égorger des civils pour pousser l’empereur à abdiquer, par exemple ? Comme on sous-entends en milieu de film qu’il est capable de massacrer femmes et enfants, cela n’aurait pas été incohérent. Il n’y aurait pas eu besoin de le montrer graphiquement, juste de le suggérer via une mise en scène astucieuse. Enfin, ce combat, qui aurait dû représenter l’apothéose de tout le film, son climax, me laisse sur ma faim.

Heureusement, l’épilogue qui le suit est plutôt appréciable, avec Mulan qui retrouve sa famille et est rejointe par Shang ; une fin ouverte qui scelle dans une belle solennité le parcours initiatique de notre personnage éponyme.

En dernier lieu, je parlerai du style graphique du film. Très simple et épurée, par opposition aux standards de Disney à l’époque, cette esthétique semble s’aligner sur la culture chinoise telle qu’on se l’imagine en Occident, à savoir raffinée et stricte à la fois. C’est beau et efficace mais ça a de quoi surprendre au premier abord. Aussi dirais-je que les personnages sont corrects dans leurs designs, mis à part le chien de Mulan qui, en plus de porter le prénom bizarre de Petit Frère, a l’air tout droit sorti d’un dessin animé de Cartoon Network. Mulan, elle, a le design parfait, avec son charme discret qui ne laisserait pas présumer qu’elle puisse être une guerrière dans l’âme. J’aime particulièrement ses oreilles décollées qui lui donnent une apparence androgyne quand elle a les cheveux attachés : elles font partie des caractéristiques bien pensées qui distinguent avec brio la Mulan féminine de la Mulan masculine, si je puis dire.

Bref, Mulan est un bon film tous publics. Sans être un chef d’œuvre, ce Disney post-Roi Lion convainc par ses nombreuses qualités (personnages / ambiance / rythme/ visuel/ chansons, etc.) et par ce qu’on en tire émotionnellement comme moralement parlant, méritant ainsi la note de 8/10.

MalaurieR
8
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Créée

le 27 avr. 2024

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