Mulan
7.3
Mulan

Long-métrage d'animation de Barry Cook et Tony Bancroft (1998)

S'ils voyaient la fille en moi...

Nous sommes en 1998 et sort chez nous un nouveau classique, qui donne enfin du crédit à un personnage féminin de Disney : Mulan.
Contrairement à La Princesse et la Grenouille qui faisait forcément parler du "premier Disney avec une personnage principale noire", pas autant de buzz autour du fait qu'on a ici une chinoise. Peut-être qu'en 98, on ne savait pas encore qu'on était raciste. Du moins, on ne considérait peut-être pas encore que "se moquer des chinois" était quelque chose de raciste.
Depuis le monde a un peu changé, et Disney l'a très bien compris, et comme par hasard un remake est prévu en 2020 : le combo féminisme + asiatique, cocktail parfait pour dorer leur image de gros capitalistes qui rachètent tout et qui virent des gens, et donner à manger aux journalistes en panne d'inspiration. Restera plus qu'une princesse lesbienne handicapée, et on aura fait le tour, on pourra enfin créer des films originaux sans rien avoir à se faire pardonner, et mettre de la diversité parce que c'est NORMAL, et non parce que c'est à la mode.
BREF. Je m'emballe.


Et justement, Mulan prend le contre-pied total des classiques à la Disney.
Ici, la petite fille ne rêve pas d'un prince charmant, de se marier et rester toute la journée à la maison pour faire le ménage et à manger pour ses dix-huit enfants. Pourtant, c'est ce que la société veut d'elle : voilà pourquoi elle se prépare à un cours de séduction pour trouver un mari. On la pouponne, on la maquille, on l'habille comme une princesse, et on la fait chanter, exactement comme toutes ces mégères bonnes qu'à accoucher.
Sauf qu'elle n'y arrive pas, elle n'est pas à sa place et va même jusqu'à s'engueuler avec ses parents qui ont honte d'elle. Jusqu'ici, ça ressemble carrément à une parodie.


Puis vient l'élément central du film : la guerre. La Chine se fait envahir par les Huns, et le père de Mulan est convoqué par l'armée, appelé à combattre. Le vieillard incapable de courir et de brandir à nouveau son sabre et sa tenue de samouraï plonge vers une mort certaine, au grand désespoir de sa fille dont l'amour pour son paternel dépasse la raison.
Alors au lieu de rester là à se lamenter sur son sort, à tenter de rentrer dans cette case réductrice, elle va se bouger le popotin et prendre les armes de son père. D'un geste barbare et symbolique, elle regarde une dernière fois son reflet dans la lame de l'épée, avant de s'arracher les cheveux avec. Mulan devient vraiment qui elle est. N'en déplaise à la société, fuck la police.


Transformée en homme, elle part au combat avec son cheval (qui pour une fois n'est pas le cliché du cheval personnifié rigolo à la Disney) et bientôt rattrapé par Muchu, ce pauvre dragon tout pourri aussi épais qu'une bouteille de Contrex qui souffre d'un énorme contrex d''inf... euh, complexe d'infériorité, pardon, de quoi bien s'entendre avec Mulan qui s'apprête à vouloir jouer dans la cour des grands, elle aussi.
Son arrivée au sein de l'armée est évidemment catastrophique, elle se fait remarquer dès le début mais conserve son secret (et l’intégralité de sa cagnotte). Mais la petite ne va rien lâcher car elle n'a plus rien à perdre et que, comme un homme, elle va vouloir garder sa fierté.


Parlons de cette chanson... "Comme un homme" est souvent critiquée à cause des paroles complètement machistes et cliché de la chanson. Tout cela est volontaire, la société chinoise de l'époque considérait que les femmes n'étaient bonnes qu'à se marier, et les hommes qu'à se battre. L'ironie de la chanson est là-dedans, Mulan n'intervient qu'une seule fois dans cette chanson, en reprenant sa petite voix fluette et disant "s'ils voyaient la fille en moi". Complicité avec le spectateur, "s'ils voyaient la fille en moi", ils seraient choqués de voir qu'une femme est capable de se battre comme eux, voire mieux qu'eux, et d'être plus puissante que les ouragans,blablabla.


Alors, certes, elle tombe amoureuse du chef de sa division. Ce qui ne l'empêche pas de lui mettre une bonne branlée à l'entrainement, avant de carrément lui sauver la vie sur le front, au lieu de faire la petite sainte-ni touche à deux balles hihihi il m'a regardééé.
Nouvelle chanson, là aussi très importante : dans "Une fille à aimer", les soldats définissent leur femme parfaite en dressant un portrait encore une fois rempli de clichés. Le gros de la bande se la joue même Orelsan, disant "qu'elle soit grosse ou qu'elle soit fine, j'suis pas misogyne, du moment qu'elle fait bien la cuisine". Et l'intervention de Mulan est encore bien vue, cette fois avec sa voix d'homme : "que diriez-vous d'une fille qui pense, avec une grande clairvoyance ?" et casse encore une fois l'image de la cruche qui ne sert qu'à sourire.


Le rythme est géré de A à Z : alternant correctement scènes drôles, scènes noires et scènes d'action. Rare dans un Disney de voir la mort traitée de façon si explicite.
Si le graphisme parait très simpliste, voire un peu trop à certains moments (on pourrait presque reproduire les dessins sur Paint), il faut reconnaître que l'animation et la mise en scène sont gérées avec brio. On a droit à d'excellents plans, notamment grâce à l'aigle (ou le faucon, j'y connais rien en piafs) du méchant qui survole les scènes de bataille, l'avalanche, la fanfare de la fin, les ancêtres au début, et moult scènes marquantes.


Mulan n'est pas une petite princesse qui ne peut pas vivre sans mettre des belles robes, bien se maquiller et surtout sans avoir un prince charmant avec qui faire sa Paris Hilton accompagnée de son chihuahua en polaire.
Elle vit dans un monde cruel, où la réalité ne laisse aucune place aux paillettes et aux baisers magiques. Elle sort volontairement de son cocon intouchable peuplé de petites fifilles à leur papa qui ne font pas la guerre parce que c'est que pour les méchants pas beaux.
Le message de Mulan est que "COMME UN HOMME" est une expression qui ne devrait pas exister.
Une femme AUSSI peut se battre, et peut AUSSI avoir une voiture télécommandée à Noël plutôt qu'une dinette ou une poupée à coiffer, peut AUSSI avoir une chambre peinte en rouge plutôt qu'en rose, peut AUSSI tenir une épée plutôt qu'une casserole, peut AUSSI roter comme j'ai jamais roté, passer son permis de conduire et écraser des connards de piétons, se taper trois mecs par jour sans se faire traiter de salope, s'habiller comme elle veut et même mettre des chaussettes dans ses sandales si ça la chante, et surtout ne pas avoir à se PUTAIN de justifier en permanence.


(et les hommes peuvent aussi s'habiller en robe, voilà, alors arrêtez de vous foutre de ma gueule maintenant)

Créée

le 7 nov. 2016

Critique lue 604 fois

8 j'aime

Franky Latuile

Écrit par

Critique lue 604 fois

8

D'autres avis sur Mulan

Mulan
ravenclaw
10

On ne rencontre pas une fille comme ça à chaque dynastie !

Mulan est un dessin animé très fin, poétique et fort. S'entremêlent tout au long du film des séquences incroyables, où la douceur côtoie la violence, où la pureté et la haine s'entrechoquent, où se...

le 31 mars 2015

58 j'aime

18

Mulan
TheBadBreaker
8

Qu’importe que le vent hurle, la montagne jamais ne ploie devant lui.

http://youtu.be/WmzH0aKzifk?t=12s Attaquons une critique ! Pour défaire les 1. M'ont-ils donné leurs 10 ? Je n'les vois pas bien ! Vous êtes plus fragile que Louisette, Et jusqu'au bout, et notes par...

le 19 nov. 2014

44 j'aime

8

Mulan
Tonto
8

Un jour sans Huns

Dans la Chine médiévale, l’empereur appelle un homme de chaque famille à rejoindre son armée pour combattre les Huns qui, selon leur bonne vieille habitude, sont en pleine invasion. Pour empêcher son...

le 21 juin 2018

22 j'aime

6

Du même critique

The Batman
latuile
7

Coup d'latte

BOOM Voilà un blockbuster qui sait tenir notre haleine. Déjà parce qu’il mêle plusieurs genres, entre autres celui du thriller psycho à la recherche d’un nouveau fou furieux et ses trois coups...

le 1 mars 2022

39 j'aime

4

Pardon le Cinéma
latuile
6

Titre ! Titre ! (avec un édit 10/08/2023)

On pouvait critiquer des jeux pour smartphone, des chaînes Youtube et maintenant, on peut critiquer des podcasts ! Bientôt les Skyblog et les panneaux de signalisation.Ravi cependant de pouvoir...

le 10 août 2023

26 j'aime

5

Kid Paddle
latuile
10

Le Lapin de la RATP - Le Film

2027, après une longue série d’adaptations à succès (Boule & Bill, Le Petit Spirou, Kid Paddle, etc.) et la fin de la troisième phase du Pathé Cinematic Universe (Cendrion 2, Aladin 3 : Débile...

le 9 oct. 2018

11 j'aime