Mulholland Drive est un mystère. Un mystère qui se dévoile lentement, puis intensément, au spectateur, avant de sembler se déconstruire, s'expliquer, dans une deuxième partie, jusqu'à un final presque traumatisant où il se reconstruit entièrement, faisant douter le spectateur de tout ce qu'il a cru voir et ressentir. Ces trois étapes correspondent exactement à mon vécu par rapport au film les années qui ont suivi mon premier visionnage, croyant qu'il y avait là un message caché à trouver, que j'ai cru finalement comprendre... jusqu'à douter de tout ce que je croyais savoir sur le film, et craindre que je passais en fait peut-être complètement à côté de l'intention de David Lynch.
Alors, la vraie raison pour laquelle il m'a tant fasciné et touché personnellement m'est apparue : le Mulholland Drive qu'a vu mon moi spectateur est un reflet sur grand écran de l'immense rêve que mon moi introspectif aurait toujours désiré faire, constitué de tableaux étranges et saisissants, rempli de symboles et d'abstractions. Il me laisserait au réveil comme je l'étais à la sortie du cinéma, ma mémoire marquée par ces images uniques, et avec l'étrange intuition qu'un message essentiel serait caché derrière, un mystère qui, une fois résolu, me donnerait la clé pour apporter plus de sens. Pour le spectateur, plus de sens au propos du film, pour l'introspectif, plus de sens à sa vie.
Et c'est précisément là que le film prend tout son intérêt. Pour moi, Mulholland Drive n'est pas 'le mystère qui s'explique'. C'est 'le mystère pour le mystère'. Si je cherche à le résoudre, la raison même de ce pourquoi il m'a fasciné s'écroule. Si je l'accepte, je continuerai à en rêver pendant des années, car mon cerveau est fait ainsi. Comme un puzzle grandiose dont j'aurais volontairement jeté la moitié des pièces : je peux le retourner presque indéfiniment dans tous les sens, fasciné par ce que j'imagine qu'il représentera une fois complet. Un rêve de sens aussi beau qu'insaisissable.
Je ne sais pas si Mulholland Drive a apporté du sens à ma vie — il en a au moins apporté à ma vision de l'art. Mais c'est bien la capacité d'une simple réalisation cinématographique à créer en moi ce processus mental sur le long terme, mêlant le rêve et la réflexion, que je trouve exceptionnelle, faisant pour moi de Mulholland Drive un chef-d'œuvre.