Seyrig mon amour...

Je fais appel à mes souvenirs pour écrire sur ce film, ne l'ayant pas revu depuis un certain temps.
Alain Resnais a débuté sa carrière comme monteur et cela se sent ici.
Sa science du découpage est admirablement révélée. Les séquences s'entrechoquent dans un fascinant kaleidoscope où l'unité de temps, de lieu et d'action se fractionnent dans le but de faire vasciller la conscience du spectateur.
Il y a cette antiquaire qui a peut être vieilli trop vite - magnifique Delphine Seyrig à la voix si envoutante - qui vit en province avec son beau-fils rentrant d'Algérie et hanté par la torture et la disparition d'une jeune fille.
Elle fait revenir un amour de jeunesse, un quinquagénaire charmeur et roublard, accompagné d'une jeune femme qu'il fait passer pour sa nièce.
La cohabitation dans cet appartement va s'avérer difficile, étouffante : trop de choses enfouies depuis des années qui tentent de ressurgir au grés des souvenirs évoqués.
Après les personnages, il y a les lieux. L'action se déroule à Boulogne sur Mer, ville dont le port fut rasé par les bombardements alliés en 1944. Et montage éclaté, fragmenté, recomposé à l'instar de la nouvelle topographie imposée par la reconstruction : reperts faussés et sentiments ambivalents.
Et puis il y a la musique signée Hans Werner Henze qui accompagne de subtile manière la partition dirigée par le cinéaste (Rita Streich chantant une mélodie teintée de sérialisme qui donne corps à la complexité des personnages).
Un chef d'oeuvre qui ne vous quitte plus et dont on ne sort point indemne.