Déc 2009:

J'aime beaucoup le monde de Ribes, foisonnant, intelligent, parfois inégal, mais au moins toujours inventif et rieur. Je ne le connais que très peu il est vrai. J'ai de lointains mais souriants souvenirs de la folie et de l'intempérance de "Merci Bernard" (qui devait autant à Ribes qu'à Topor si je ne m'empapaoute). Je connais bien mieux les variations plus ou moins drôles de "Palace". Et je n'oublie pas l'excellente pièce de théâtre "Brèves de comptoir" qui adaptait les perles de Gourio avec malice et jubilation. Du reste, de cette pièce on retrouve pratiquement toute la troupe. La famille Ribes est une joyeuse bande dans laquelle virevoltent de fameuses têtes, des gens doués de manière très élargie de talents divers, des gens multiples. Et on retrouve cette profusion d'intelligences dans l'écriture, les idées véhiculées par le texte mais également par la direction des acteurs, ce qu'ils parviennent à transmettre, finement à travers un regard, un ton.

Ce film est encore l'adaptation d'une pièce de Ribes. Cela se sent, se voit, les saynètes s'assemblent plus ou moins bien. On est en quelque sorte encore une fois dans des "brèves de musée". Les personnages ne devisent pas du temps qu'il fait, ne réagissent pas à l'actualité ni aux petites affres du quotidien, ils réfléchissent ou subissent le domaine particulier de l'oeuvre créatrice, des écoles artistiques, de l'art en général. Tout le film est une grande, belle et rieuse réflexion sur l'art. Voilà le fil rouge que l'on peut suivre tout le long du film. Mais, il faut avouer que ce fil ne suffit pas à donner du liant où ce maelström de personnages, d'étages, de temps et de dimensions. Entre les visiteurs du musée, ceux qui y travaillent et les oeuvres qui prennent vie, il est difficile de faire des transitions invisibles. Les coupures entre les scketchs sont très voyantes, malgré l'attention prise à faire en sorte que les personnages se croisent le plus souvent possible dans un éternel mouvement censé motiver le bouillonnement artistique, émotionnel et intellectuel du lieu (musée) et de son objet (art).

Certains passages se détachent avec bonheur. Les gardiens sont irrésistibles. Les soudards qui déplacent une grande toile proposent une peinture humaine parodique subtile. Ces séquences font entrer le film dans des aires d'absurdité suprêmement excitantes, riches en réflexions et visions mêlées. J'ai également aimé le complexe jeu des visiteurs qui deviennent oeuvres d'art vivantes. Par contre, le gimmick du guide qui s'évertue à répéter la bonne prononciation de Gauguin à un groupe de connes anglaises m'a vite éreinté, tout comme les chamailleries de la famille Prévost.

En règle générale pourtant, la pléthore de comédiens m'a semblé excellement dirigée. Très belles prestations, il faudrait les citer presque tous. Murielle Robin se détache, m'a impressionné par la gestion du rythme et de ton, la vivacité et l'acuité de son regard (on se rappelle avec horreur ses excès sur le deuxième épisode des "Visiteurs" où la pauvrette se devait d'imiter Lemercier). Ici, elle est magnifique de maitrise et d'équilibre. On pourrait en dire autant des gardes d'une perfection collective métronomique. Jugnot est le seul véritablement décevant finalement. Khorsand a des circonstances atténuantes et apparait forcément très effacé par la maladie. Voilà un second rôle de tout premier plan, que j'adore ("Mes meilleurs copains", "T'empêches tout le monde de dormir", etc.)

Ce film aurait pu être une très grande comédie prenant l'art comme medium du rire et finalement, s'il s'en approche par moments, son manque d'unité qui sied certainement au théâtre lui ôte le marche-pied vers les sommets. Dommage.

M'enfin, à voir, pour quelques numéros de clown, une écriture par moments ciselée et une réflexion sur l'art libre et saine.
Alligator
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le 30 mars 2013

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