Tout ça pour ça. Louis Malle convoque une mise en scène ultra originale et minimaliste en cadrant le champ presque exclusivement (si l'on omet introduction et conclusion) sur deux amis qui s'étaient perdus de vue et qui se retrouvent au restaurant, comme en temps réel, avec les plats qui défilent à mesure que les discussions s'étoffent, pour accoucher d'un truc aussi insignifiant. André Gregory et Wallace Shawn jouent peu ou prou leurs propres rôles, le premier revenant de Pologne après une expérience mystique qui a changé son rapport au monde, le second vivotant à New York en auteur de théâtre sans le sou. Tout le programme est là : deux heures de discussions en champ / contrechamp, où chacun expose calmement son point de vue, avec d'un côté l'allumé de service qui pense être entré dans un état métaphysique révélateur qui ne parlera qu'aux personnes de la même secte, et de l'autre le pragmatique de bas étage condamné à vivre sa petite vie faite de petits plaisirs.
"My Dinner with Andre" (tout est dans le titre en termes de mise en scène) avance comme un film philosophique, dans lequel Malle entendait confronter deux positions antagonistes en termes de rapport au monde. Il y a bien une cohérence de fond, mais l'ensemble reste hautement indigeste en enchaînant les anecdotes inintéressantes (personnellement, l'illumination mystique, les actes d'un chaman, etc. comme autant d'expériences hippies qui ne me passionnent absolument pas) et en brassant les thématiques (la vie, la mort, l'argent, les voyages au Tibet, le rôle du théâtre) sans fournir d'accroche tangible. Le film se transforme assez vite en un tête-à-tête qui se veut captivant mais qui déblatère des propos un peu vaseux sur la société qui s'ennuierait à mourir, sur les citoyens qui vivraient dans leur propre prison, etc. Profondément ennuyant, avec des clichés à la pelle du style "j'ai l'impression d'avoir vécu comme un robot toute ma vie et j'ai découvert le sens de la vie caché au fond de moi", sur fond de débat autour de la pertinence d'avoir ou de rejeter une couverture chauffante... Davantage une confrontation de monologues bavards.