Mistery Road commence comme Memories of Murder : une route, un bas-côté, une découverte macabre dans la lenteur et le silence ; et sa suite, quoique bien plus conventionnelle, nous emmène elle aussi dans des territoires éloignés, ici le Bush australien. Wake in Fright nous avait déjà prévenus : sur ces territoires arides, sans nuages, sans pluie, sans vent, on trouve peu de place pour la solidarité et la tendresse.


C’est là, sans doute, l’objectif premier du récit : l’immersion dans une communauté désespérée, dans laquelle la météo intérieure ne trouve ses variantes qu’à l’aide de paradis artificiels. Le personnage principal, un flic indigène, brille surtout par sa solitude : bienvenu nulle part, aidé par personne, il met comme de bien entendu son nez là où il ne faut pas, et se retrouve vivement encouragé à rejoindre la cohorte des soumis silencieux.


Cette ambiance pesante, soulignée par l’oisiveté générale des dépressifs ou des cyniques qui l’entourent est la majeure réussite du film. Pratiquement dénue de musique, à l’exception d’une transition récurrente, qui filme en surplomb des déplacements de voiture, plan général emprisonnant le protagoniste dans un réseau arachnéen qu’il maitrise mal (on pense beaucoup au même procédé employé par Alberto Rodríguez dans La Isla Minima), la rythmique est atone, et rive le personnage à une médiocrité qui s’illustre dans sa vie privée, reflet symbolique du sort des individus dans ces contrées : femme et fille abandonnée, misère et tentation des voies les pires pour subsister.


… il faudra donc saluer toute l’épaisseur de ce milieu, et la présence assez convaincante des personnages secondaires (dont un Hugo Weaving assez réjouissant, qui prouve, après Matrix, qu’il sait jouer des rôles d’être humain) sans en demander trop en termes d’intrigue et d’enquête policière. On est loin de James Ellroy, et toute la dynamique indices/fausses pistes/ramifications est on ne peut plus convenue.


La scène finale de fusillade respecte la tonalité sèche et brute de l’ensemble, par un travail sur l’espace assez singulier, permettant de voir de toute part les balles fuser et le décalage entre la détonation et l’impact ménager une part de suspense morbide, voire presque grotesque ; mais la manière de résoudre toutes les questions en un pot-pourri de coïncidences est au mieux d’une grande maladresse, au pire carrément négligeant au vu de la qualité de l’ensemble. Ces défauts d’écriture empêchent à Mystery Road d’être un grand film : il n’en reste pas moins digne d’intérêt, et surtout prometteur pour son réalisateur Ivan Sen. Goldstone, qui ne semble pas avoir trouvé de distributeur en France, reprend en effet le même personnage pour une nouvelle enquête…

Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Nature, Social, Policier, Dénonciation et Les meilleurs films sur la beauté de la nature

Créée

le 9 août 2017

Critique lue 2.1K fois

27 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.1K fois

27

D'autres avis sur Mystery Road

Mystery Road
Sergent_Pepper
7

Hate Bush

Mistery Road commence comme Memories of Murder : une route, un bas-côté, une découverte macabre dans la lenteur et le silence ; et sa suite, quoique bien plus conventionnelle, nous emmène elle aussi...

le 9 août 2017

27 j'aime

Mystery Road
limma
9

Critique de Mystery Road par limma

Une intrigue basique, un flic qui enquête sur le meurtre d'une jeune fille, sans trop de soutien et où l'on perçoit des enjeux flous et la ligne ténue entre forces de police et criminels, sur les...

le 2 juin 2016

14 j'aime

3

Mystery Road
Eklektik
7

Misère aborigène

J'ai été agréablement surpris par ce film. Tout d'abord, la réalisation n' est pas ultra originale, mais vraiment bien léchée. Les couleurs dans les tons ocre, brulés par le soleil du bush...

le 15 oct. 2014

10 j'aime

2

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

766 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53