Il y a des œuvres fondamentales pour l’Histoire du cinéma, qu’il est bon de voir au moins une fois dans sa vie de cinéphile, pour parfaire sa connaissance du 7ème Art. Parfois ces œuvres ne donnent pas franchement envie, et l’on y va à reculons, davantage par « curiosité obligatoire » que par passion. C’est typiquement le cas de « Birth of a Nation ». Franchement, qui oserait clamer qu’il est impatient à l’idée de se manger un film muet raciste de 3 heures ? Et pourtant...


Pourtant « Birth of a Nation » vaut réellement le coup d’être vu. Car ses qualités cinématographiques indéniables sont en rupture totale avec leur époque. Certains diront même que l’on tient là le premier vrai blockbuster, ou la matrice des fresques épiques (à sa sortie, il était d’ailleurs le film le plus long jamais monté). Et il est difficile de leur donner tort.


Le film est divisé en deux parties. La première évoque la Guerre de Sécession, avec deux familles amies qui vont se déchirer, l’une sudiste, l’autre nordiste. Cela culmine jusqu’à l’assassinat de Lincoln, puis on embraye sur la seconde partie, la reconstruction du Sud et la naissance du Ku Klux Klan.


Sur la forme, l’ensemble est remarquable. Des scènes de bataille avec des centaines de figurants et une profondeur de champ à des années-lumière des tableaux fixes du cinéma de l’époque. Un montage riche (notamment avec des incorporations de gros plans), avec quelques effets inédits, tels des fondus. Et une écriture dramatique qui fonctionne très bien dans la première partie, avec ces familles marquées par la guerre.


Si le film s’était arrêté à la moitié, peut-être aurait-il eu la réputation d’un presque « Gone with the Wind », à savoir une fable nostalgique. Sauf qu’il continue sur un délire raciste dans le volet reconstruction. Des acteurs « noirs » en blackface (= des acteurs blancs maquillés en noirs) jouant grossièrement. Des méchants noirs plein de clichés (ça boit, ça agresse sexuellement, ça mange du poulet frit…) qui dominent le Sud, ne pouvant être chassés que par le noble Ku Klux Klan. Des politiciens caricaturaux. Et l’on en passe. Etrangement, Lincoln est présenté positivement, rare pour un film sudiste !


Alors certes, on dit qu’au cinéma, la manière de développer ses idées est plus importante que les idées en elles-mêmes. Je suis d’accord avec cette pensée, et force est de constater que « Birth of a Nation » est un film réellement épique de par sa forme incroyablement ambitieuse pour 1915. Malgré cela, les idées racistes et la représentation héroïque du Ku Klux Klan sont tellement énormes qu’il est difficile de le prendre au sérieux, surtout vu d’aujourd’hui.


Néanmoins le film aura un succès colossal à sa sortie, contribuant fortement à relancer le Ku Klux Klan ! Il fut aussi le premier film diffusé à la Maison Blanche : rien d’étonnant car Woodrow Wilson y est allègrement cité. Au-delà d’une œuvre révolutionnaire, il demeure un objet historique à voir, qui démontre qu’il y a un siècle on pouvait sans sourciller évoquer des idées inacceptables aujourd’hui.

Redzing
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le 29 juil. 2022

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