Comment ne pas être interloqué par la multiplication des succès de Ne Zha 2 au box-office? Plus de 2,2 milliards au box-office mondial pour un budget de 80 millions, en faisant le film d’animation le plus rentable de tous les temps, le plus gros carton chinois de tous les temps, et le cinquième film toutes catégories et tous temps confondus. Une déferlante que la seule force du marché de l’Empire du Milieu ne suffirait probablement pas à expliquer, le territoire n’étant pas avare en superproductions qui raflent tout, témoignant d’une émergence rapide du soft power de Pékin qui ne devrait que s’amplifier au vu du sabotage en règle d’Hollywood auquel procède actuellement l’administration Trump. Et ce phénomène culturel s’est bien fait ressentir lors de ma séance, une salle comble au Grand Rex remplie à 90% de la diaspora chinoise parisienne. Autant dire que même si je n’avais pas vu le premier volet, j’étais prêt à m’en prendre plein les mirettes, toujours d’appétit pour un cinéma autre.
Et en fait non, ça ne l’a pas fait. Ne Zha 2 n’est pas vilain, mais il n’a rien de la claque escomptée. Je sais pertinemment que les chiffres n’ont jamais été synonymes de qualité (Liehd, moranc, si vous me lisez, je vous dédicace ceci), mais je me suis fait avoir. Car je n’ai pas retrouvé de particularismes chinois non plus, pas de décalage culturel qui bouleverserait mes habitudes comme peut le faire un RRR par exemple. J’y ai même trouvé une tare commune au blockbuster occidental alla Marvel qui a phagocyté les quinze dernières années, ce désamorçage ironique constant de la tension et de l’iconisation par des blagues mal placées, en permanence. Ces commentaires métas qui rappellent dans un clin d'œil complice au spectateur qu’il regarde un film, refusant de le laisser être porté.
Et ces blagues, parlons-en! Vous vouliez du pipi? Du prout? Du vomi? De la morve? Eh bien vous aurez tout ça, répété 3-4 fois à chaque itération pour être sûr que l’on a bien compris, et étirant la rythmique comique jusqu’à la rupture. Ça ferait passer Shrek ou Austin Powers pour du Prévert. Et il est sans doute là le décalage culturel, car à chacun de ces gags scatos, la salle riait à gorge déployée, adultes en premier. Je n’avais pour me rassurer que je n’étais pas devenu un vieux con aigri que les regards circonspects que j’échangeais avec ma compagne, la bouche fixée dans une moue apathique. Il faut croire que les gaz de porc en pleine face avec effet visuel en nuage vert, ça marche mieux en mandarin qu’avec les sous-titres.
Pourtant je n’ai pas détesté la proposition. Au contraire même, j’y ai trouvé de très belles idées, comme ce vaisseau œuf encapsuleur, cette malédiction qui fige les cœurs et déchire les chairs. L’animation elle-même n’est pas en reste, le travail des 4000 employés ayant œuvré sur le film étant clairement visible et les moments de bravoures s’enchaînant dans une fluidité qui décalque la rétine, et permet de rendre la démesure de l’esprit Dragon Ball qui habite le dernier tiers du métrage. De même que l’univers dépeint issu de L’Investiture des Dieux, texte du XVIème siècle fondateur dans le folklore chinois et nippon (pas loin des tribulations du Roi Singe en termes d'importance) invite au voyage, malgré le name dropping à gogo de concepts inusités par la suite, fait de rituels, de divinités et de peuplades seulement mentionnées. Enfin, on louera l'alternance des tons, basculant du puéril du premier tiers vers des moments plus graves où sont montrés des massacres civils ou la perte de proches (même si là aussi les blagues viennent entacher l’impact).
Non, clairement, tout n’est pas à jeter dans Ne Zha 2. Mais les sommets tutoient trop d’abysses de stupidité pour que la pilule ne passe pleinement. On oscille alors entre l’ennui, ou plutôt la gêne, et l’engagement visuel. Et on aurait bien pu amputer quarante minutes aux 2h20 du métrage pour rééquilibrer la donne. Histoire de privilégier la qualité à la quantité.