Ne Zha 2
7.4
Ne Zha 2

Long-métrage d'animation de Yáng Yǔ (Jiaozi) (2025)

Comment ne pas être interloqué par la multiplication des succès de Ne Zha 2 au box-office? Plus de 2,2 milliards au box-office mondial pour un budget de 80 millions, en faisant le film d’animation le plus rentable de tous les temps, le plus gros carton chinois de tous les temps, et le cinquième film toutes catégories et tous temps confondus. Une déferlante que la seule force du marché de l’Empire du Milieu ne suffirait probablement pas à expliquer, le territoire n’étant pas avare en superproductions qui raflent tout, témoignant d’une émergence rapide du soft power de Pékin qui ne devrait que s’amplifier au vu du sabotage en règle d’Hollywood auquel procède actuellement l’administration Trump. Et ce phénomène culturel s’est bien fait ressentir lors de ma séance, une salle comble au Grand Rex remplie à 90% de la diaspora chinoise parisienne. Autant dire que même si je n’avais pas vu le premier volet, j’étais prêt à m’en prendre plein les mirettes, toujours d’appétit pour un cinéma autre.


Et en fait non, ça ne l’a pas fait. Ne Zha 2 n’est pas vilain, mais il n’a rien de la claque escomptée. Je sais pertinemment que les chiffres n’ont jamais été synonymes de qualité (Liehd, moranc, si vous me lisez, je vous dédicace ceci), mais je me suis fait avoir. Car je n’ai pas retrouvé de particularismes chinois non plus, pas de décalage culturel qui bouleverserait mes habitudes comme peut le faire un RRR par exemple. J’y ai même trouvé une tare commune au blockbuster occidental alla Marvel qui a phagocyté les quinze dernières années, ce désamorçage ironique constant de la tension et de l’iconisation par des blagues mal placées, en permanence. Ces commentaires métas qui rappellent dans un clin d'œil complice au spectateur qu’il regarde un film, refusant de le laisser être porté.


Et ces blagues, parlons-en! Vous vouliez du pipi? Du prout? Du vomi? De la morve? Eh bien vous aurez tout ça, répété 3-4 fois à chaque itération pour être sûr que l’on a bien compris, et étirant la rythmique comique jusqu’à la rupture. Ça ferait passer Shrek ou Austin Powers pour du Prévert. Et il est sans doute là le décalage culturel, car à chacun de ces gags scatos, la salle riait à gorge déployée, adultes en premier. Je n’avais pour me rassurer que je n’étais pas devenu un vieux con aigri que les regards circonspects que j’échangeais avec ma compagne, la bouche fixée dans une moue apathique. Il faut croire que les gaz de porc en pleine face avec effet visuel en nuage vert, ça marche mieux en mandarin qu’avec les sous-titres.


Pourtant je n’ai pas détesté la proposition. Au contraire même, j’y ai trouvé de très belles idées, comme ce vaisseau œuf encapsuleur, cette malédiction qui fige les cœurs et déchire les chairs. L’animation elle-même n’est pas en reste, le travail des 4000 employés ayant œuvré sur le film étant clairement visible et les moments de bravoures s’enchaînant dans une fluidité qui décalque la rétine, et permet de rendre la démesure de l’esprit Dragon Ball qui habite le dernier tiers du métrage. De même que l’univers dépeint issu de L’Investiture des Dieux, texte du XVIème siècle fondateur dans le folklore chinois et nippon (pas loin des tribulations du Roi Singe en termes d'importance) invite au voyage, malgré le name dropping à gogo de concepts inusités par la suite, fait de rituels, de divinités et de peuplades seulement mentionnées. Enfin, on louera l'alternance des tons, basculant du puéril du premier tiers vers des moments plus graves où sont montrés des massacres civils ou la perte de proches (même si là aussi les blagues viennent entacher l’impact).


Non, clairement, tout n’est pas à jeter dans Ne Zha 2. Mais les sommets tutoient trop d’abysses de stupidité pour que la pilule ne passe pleinement. On oscille alors entre l’ennui, ou plutôt la gêne, et l’engagement visuel. Et on aurait bien pu amputer quarante minutes aux 2h20 du métrage pour rééquilibrer la donne. Histoire de privilégier la qualité à la quantité.


Créée

le 29 avr. 2025

Critique lue 323 fois

5 j'aime

23 commentaires

Frakkazak

Écrit par

Critique lue 323 fois

5
23

D'autres avis sur Ne Zha 2

Ne Zha 2
Lgl0
9

L’un des meilleurs films d’animation de l’histoire

Je pourrais m’arrêter au titre de cette review, mais il me semble essentiel de revenir sur la claque audiovisuelle que je viens de prendre. J’avais déjà été époustouflé par la richesse visuelle du...

Par

le 25 avr. 2025

8 j'aime

Ne Zha 2
lugdunum91
8

Ne Zha 2 – 8/10 : Encore plus grand, encore plus fort

Après avoir vu Ne Zha pour la première fois quelques heures avant (et être tombé sous le charme), j’avais hâte de savoir si la galop d'essai allait être confirmé et si la suite double MILLIARDAIRE...

le 28 avr. 2025

6 j'aime

7

Ne Zha 2
Frakkazak
5

Cacamé-hamé-ha

Comment ne pas être interloqué par la multiplication des succès de Ne Zha 2 au box-office? Plus de 2,2 milliards au box-office mondial pour un budget de 80 millions, en faisant le film d’animation le...

le 29 avr. 2025

5 j'aime

23

Du même critique

KPop Demon Hunters
Frakkazak
4

Into the Consumerverse

Je dois admettre qu’au vu de l’affiche et du titre, il y avait peu de chances pour que je sois le public. Mais à y regarder de plus près, à y voir Sony Pictures Animation et des premiers retours...

le 26 juin 2025

39 j'aime

8

Assassin's Creed: Mirage
Frakkazak
4

Mi-rage, mi-désespoir, pleine vieillesse et ennui

Alors qu’à chaque nouvelle itération de la formule qui trône comme l’une des plus rentables pour la firme française depuis déjà quinze ans (c’est même rappelé en lançant le jeu, Ubisoft se la jouant...

le 10 oct. 2023

22 j'aime

2

Captain America: Brave New World
Frakkazak
2

Mou, Moche et Puant

Il était couru d’avance que Brave New World serait une daube. De par la superhero fatigue qu’a instauré la firme de Mickey par l’amoncellement de produits formaté sur les dix-sept dernières années...

le 10 mars 2025

21 j'aime

7