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Nefarious, sous ses airs d’exorcisme tardif, appartient à cette lignée de récits qui troquent le cri contre le verbe, le démon contre le discours. Un condamné à mort, un psychiatre sceptique, une cellule : voilà le théâtre. Tout le reste — le sang, la possession, la damnation — se joue dans la langue. L’horreur devient dialectique, le mal se raconte. C’est là la première réussite du film : transformer le face-à-face en liturgie de l’ambiguïté. Dès la première scène, la lumière trahit. Elle découpe les visages, réduit le monde à deux présences. Le jaune blafard du néon se mêle au gris de la pierre ; le plan, d’une fixité presque ascétique, semble attendre la chute d’une parole. Chuck Konzelman et Cary Solomon filment comme on confesse : frontalement, sans échappatoire. La caméra ne cherche pas le spectaculaire, mais le tremblement intérieur. Chaque silence pèse. Chaque respiration devient prière. Sean Patrick Flanery, visage émacié, regard incandescent, incarne le démon avec une précision troublante. Ce n’est pas la performance d’un acteur d’horreur : c’est celle d’un prêtre inversé. Il parle avec douceur, puis lacère. Il rit comme on s’étrangle. Sa bouche devient confessionnal, son regard une fracture. Face à lui, Jordan Belfi joue le médecin rationaliste, l’homme qui veut expliquer. Et c’est là que le film s’élève : le dialogue n’oppose pas croyance et raison, mais deux formes de foi — celle du visible et celle du gouffre. La mise en scène s’inspire du théâtre filmé : le cadre fixe, les rares mouvements de caméra, les sons étouffés. On pense à The Exorcist III pour la sécheresse du dispositif, à Prisoners pour la lumière sale, à Calvary pour la lenteur métaphysique. Mais Nefarious garde sa propre tonalité : une rigueur presque janséniste. Le montage, discret, refuse le choc ; il préfère l’érosion. L’effroi vient par usure. Ce qui fascine, c’est le verbe. Les répliques ont le tranchant d’une homélie. On croit entendre C.S. Lewis retourné contre lui-même : un démon qui ne ment pas, un médecin qui doute, et le spectateur pris dans cette spirale logique. Le film devient tribunal moral, huis clos spirituel. À mesure que la discussion avance, le psychiatre perd son rôle d’observateur. Il devient l’objet du diagnostic. Et nous, spectateurs, sommes déjà contaminés : à quel moment avons-nous cessé de juger pour écouter ? La photographie, volontairement dépouillée, épouse la démence : teintes ocres, ombres mouvantes, quelques éclats de lumière qui percent le noir comme une grâce hésitante. Le grain du film évoque le béton, la sueur, la chaleur carcérale. Le son, lui, se glisse dans les interstices : chuchotements, cliquetis, murmures métalliques. Rien de trop, tout juste assez pour faire trembler. On pourrait reprocher au scénario sa ferveur, sa volonté d’évangéliser le spectateur sous couvert de thriller psychologique. Oui, Nefarious prêche. Il croit à la damnation, au mal comme entité, à la faute comme choix. Mais le film ne se réduit pas à une propagande religieuse. Il parle, plus profondément, de notre besoin de hiérarchie morale dans un monde sans repères. Et s’il choque, c’est peut-être parce qu’il ose replacer la théologie dans le champ du cinéma d’horreur. Reste une impression tenace : celle d’un film rugueux, anachronique, sincère. Nefarious ne cherche pas à plaire, mais à peser. Il ressuscite la lenteur du dialogue, l’effroi de la parole. On sort secoué, non par les effets, mais par la conviction. Il y a dans ce duel un parfum de tragédie grecque : deux hommes, une cellule, un choix. Le diable n’y crie pas. Il raisonne. Et c’est peut-être cela, le plus terrifiant. Note : 14 / 20
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