Viande Froide Cœurs Chauds

Quatre ans après Nekromantik , Jörg Buttgereit nous réinvite au buffet froid des amours interdits avec une suite directe au premier opus. Un film qui gagne largement en maîtrise tant formelle que narrative et s'impose sans grande difficultés comme une suite surpassant allégrement son modèle. Peut être que cette fois ci l'envie de faire du cinéma était plus forte que le simple désir de repousser les limites de la censure et des bonnes mœurs Cette suite, même si elle possède toujours quelques défauts s'avère bien plus agréable à regarder tout en n'ayant rien à envier à son modèle en matière de provocation et de séquences chocs.

Dans Nekromantik 2 nous allons donc suivre le personnage de Monika une jeune infirmière légèrement obsédé par la mort et adepte des plaisirs nécrophiles. Après avoir déterré le corps de Robert (Personnage principal du premier film), Monika va aussi rencontrer un jeune homme bien vivant avec lequel elle va entamer une romantique idylle..

Alors que le premier Nekromantik ne m'inspire guère plus qu'un ennui circonspect et poli ce second volet me semble bien plus intéressant tant au niveau de son histoire que de sa mise en scène. Premier point important et loin d'être négligeable Nekromantik 2 s'appuie sur de vrais personnages avec une caractérisation, une relative épaisseur et de véritables enjeux dramatiques. Monika interprétée tout en justesse et nuance par Monika B s'avère même être un personnage assez attachant et séduisant en dépit de ses pulsions les plus perverses, la jeune femme semble constamment perdue entre ses pulsions morbides et son désir de vivre normalement à l'image même de sa relation entre un amant en morceaux et en décomposition et un nouveau petit ami chaleureux mais parfois trop vivant à son goût. Quant à Mark (Mark Reeder), le nouveau petit ami de Monika, il est lui aussi un personnage attachant auquel on pourra facilement s'identifier nous interrogeant sur ce que l'on serait capable d'accepter et supporter par amour. Cette petite histoire d'une rencontre romantique et parfois volontairement naïve dans son traitement sert de magnifique contre point de vue aux profonds désirs morbides, perverses et malsain de son héroïne. On est pas dans le sentimentalisme rose bonbon un peu gnangnan d'une comédie romantique, mais Nekromantik 2 raconte tout de même une douce et romanesque histoire d'amour impossible ce qui donne au film une solide structure narrative. Visuellement et techniquement ce second volet est aussi assez largement supérieur à son modèle, certes le film bénéficie de plus de moyens mais on sent peut être et surtout un vrai désir de mise en scène qui passe avant une volonté de choquer et provoquer la censure. Jörg Buttgereit soigne ses plans, dynamise son récit de jolis mouvements de caméra et insère dans son film entre provocations et romance quelques jolis digressions à la morbide poésie comme lorsque Monika se met à chanter ses amours étranges accompagnée au piano comme dans un sinistre et mélancolique cabaret.

Une nouvelle fois les maquillages et effets spéciaux sont assez saisissants et particulièrement réussis dans le registre craspec . Nekromantik 2 n'est pas moins trash et dérangeant que son illustre modèle mais Jörg Buttgereit semble avoir un peu levé le pied sur une certaine complaisance à filmer longuement et en gros plan, ses acteurs sucer des yeux de cochons. Mieux encore toutes les séquences les plus gore (ou presque) trouvent une vraie légitimité dans le déroulement de l'histoire et vienne pleinement expliciter les contradictions et les pulsions du personnage de Monika. Sa première étreinte avec le corps pourrissant de Robert lui provoquera autant d'excitation que de dégoût et lorsqu'elle devra se séparer du corps en le démembrant dans sa baignoire se sera un long et difficile exercice qu'elle semblera éprouver tout autant que le spectateur tant la scène est hallucinante de réalisme et de crudité. Quant à la séquence finale lui permettant enfin de combiner dans l'extase de l'orgasme le corps des vivants et l'esprit de la mort, elle est bien plus belle, poétique, extrême et romantique que le final ridicule du premier film. Pour ne rien gâcher ce Nekromantik 2 est parsemé de petits traits d'humour noir et grivois avec Monika qui fait découvrir à Mark sa famille à travers son album photo composé d'images d'enterrement de ses proches, ce même Mark qui exerce sans passion le métier de doubleur de films pornos ou que l'on découvre dans le frigidaire de Monika deux citrons et une banane dans une composition des plus explicites … A noter aussi l'amusante participation de Béatrice Mlanowski (actrice du premier film) dépitée d'arriver trop tard pour exhumer le corps de son ancien petit ami. Et puis le film se termine sur une jolie pirouette ramenant le personnage principale vers le camp des vivants.

Même si ils sont bien moins rédhibitoires que dans le premier film ce Nekromantik 2 possède lui aussi quelques défauts. Certaines séquences tirent un peu en longueur comme celle du cinéma avec ce couple à poil qui parle d'ornithologie tout en bouffant des œufs, une scène toutefois bien moins artificielle que celle du premier film et qui ici possède une véritable justification puisqu'elle marque la rencontre de Monika et Mark. Autre séquence polémique et moyennement utile avec la vidéo de la dissection d' un phoque que Monica et ses copines regardent avec délectation et un intérêt gourmand. Sans être d'une profonde et pleine utilité la scène trouve là aussi une relative justification dans le récit et la psychologie des personnages , elle montre à la fois que Monika a un rapport très détaché au corps et à la mort comme de simples données anatomiques et surtout la découverte de cette même vidéo par Mark va signifier la première vraie rupture dans le couple. Des défauts qui servent à ce point l'histoire en sont ils vraiment ??

Pour moi Nekromantik 2 est donc en tout point meilleur que le premier film qui était bien trop maladroit et bassement provocateur à mon goût. Dans cette suite tout semble infiniment plus tenu et pertinent de l'histoire à la mise en scène en passant par les effets chocs et les provocations qui servent ici pleinement le récit.