Alors, accrochez vos bretelles et rangez vos illusions : Nick Carter va tout casser est le dernier tour de piste d’Henri Decoin, un type qui avait encore du jus dans la manivelle, mais plus trop de pellicule dans le chargeur. Ce n’est pas son chef-d’œuvre, non, mais dans la grande foire à la bêtise des films avec Eddie Constantine, c’est presque du haut de gamme. On se marre, parfois volontairement, souvent à cause de l’absurdité atomique du truc.


Côté montage, on sent que le monteur avait dormi la veille — un progrès notable. Ça s’enchaîne sans qu’on se demande toutes les trente secondes où sont passés les plans de coupe. Pour une fois, les transitions ne ressemblent pas à des trous de pellicule bouffés par les rats, et même les fondus enchaînés ont un certain panache. Le rythme n’est pas trépidant, mais au moins, ça ne traîne pas comme un commissaire bourré dans une scène de poursuite.


Ah, et le budget ! On dirait que quelqu’un a trouvé une valise de francs dans la cave de la production. On a enfin des gadgets qui ressemblent à autre chose qu’à des boîtes de conserve soudées à la colle UHU, des maquettes de base secrète un peu plus crédibles (on reconnaît à peine les boîtes à œufs collées sur les murs), et même des effets pyrotechniques qui ne font pas honte à la physique. Pour 1964, c’est presque du James Bond fauché, mais avec la moustache d’un plombier de province en prime.


Les bagarres sont étonnamment lisibles — on voit qui frappe qui, ce qui est déjà un exploit pour la série. Eddie Constantine y met toute sa hargne de mâle fatigué, balançant des droites avec la grâce d’un bœuf sous stéroïdes. On sent qu’il s’amuse, le bougre. Ses coups de poing ont le même effet qu’un mauvais whisky : ça pique, mais ça réchauffe.


Le scénario, parlons-en. C’est du vent en conserve, un miracle de vide intersidéral. Les méchants veulent dominer le monde, Nick Carter veut les en empêcher, et entre deux explosions de papier mâché, on a droit à des dialogues qui feraient passer les blagues de Tonton Fernand pour du Audiard en smoking. Mais bizarrement, c’est cette stupidité intégrale qui rend le film supportable. On rit parce que c’est idiot, on reste parce que c’est sincèrement idiot. Une forme d’art brut, quoi.


Eddie Constantine, impérial dans son rôle d’agent flegmatique à la nicotine, a rarement été aussi en forme : il cligne de l’œil comme personne et fume comme si le destin du monde en dépendait. Daïphné Daïlle, en pin-up de service, illumine le film de sa présence vaguement perdue — on sent qu’elle ne sait pas trop ce qu’elle fout là, mais elle le fait avec grâce. Paul Francoeur, lui, donne l’impression d’avoir confondu le plateau avec une réunion d’amicale des anciens du théâtre municipal. Il s’en sort honorablement, disons… en pilotage automatique.Le reste du casting ? Décoratif. Des silhouettes qui passent, disent “Oui, monsieur Carter” et disparaissent derrière un pan de décor en carton.


La photographie, elle, hésite entre l’élégance et la grisaille. Le chef op’ a visiblement fait ce qu’il a pu avec les projecteurs et le café froid du tournage. Les plans sont propres mais sans folie : ça ne casse pas des briques, — et de toute façon, il n’y avait pas de briques sur le plateau.


En résumé : Un film idiot mais honnête, bricolé avec un peu plus d’argent que d’habitude, mieux monté, mieux cadré, mais toujours aussi joyeusement con. C’est du cinéma pop-corn avant le pop-corn, un divertissement d’un autre âge où le ridicule ne tue pas, il danse.

Monsieur-Chien
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le 13 nov. 2025

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Monsieur-Chien

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