Pour Tom Superman
C'est l'été, je suis en vacances, quelques copains sont encore là, ce qui explique sans doute que je sois allée voir ce film, sans occulter aussi le fait que j'avais envie de revoir Tom Cruise au...
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le 23 août 2011
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Dès les premiers sourires Colgate de Tom Cruise, on comprend que ce genre de Mission Impossible hors-série ne sera pas une source de stress. Impression rapidement confirmée par une B.O. très pop (genre Edgar Wright au rabais) et la manie qu’a notre héros de désamorcer les crises de panique de Cameron Diaz à grands renforts de "je comprends" distribués comme autant de caresses. Car ce héros-ci n’est ni intense ni dramatique, et pour cause : Knight & Day est un film d’action sur le ton de la comédie romantique, qui fait montre d’un over-the-topisme badin où James Mangold se paye le luxe de zapper la moitié de ses péripéties. "Vous connaissez la chanson, nous glisserait-il presque à l’oreille en voix off, vous avez déjà vu tout ça mille fois."
Et que dire de Tom Cruise qui, dans un geste pratiquement meta, cesse tout d’un coup de prendre au sérieux les types qui le flinguent pour rouler une pelle à Cameron, manière d’admettre, tel un Deadpool qui ne dirait pas son nom, qu’il est tout à fait conscient de ne pas pouvoir mourir si tôt dans le film ? Non, décidément, il ne faut pas s’attendre ici à avoir le ventre noué d’inquiétude, car rien de grave ne peut arriver. Pourquoi, alors, faudrait-il conseiller de regarder Knight & Day ? Justement parce que le plaisir véritable de l’action, sa liberté jubilatoire, ne s’exprime jamais si bien que lorsqu’elle ne s’embarrasse pas de prétextes.
Heureusement, ici, on fait fi des prétextes : pas de backstories circonvoluées, de développements psychologiques sans fin, d’enjeux politiques ou planétaires toujours plus dantesques pour créer des opportunités de bastons, gunfights et autres courses-poursuites, aucun dispositif étouffant qui contrit le grand œuvre physique. Car là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Ainsi, dans Knight & Day, cette histoire de pile surpuissante, on s’en bat les reins. Le cœur réel du film est celui d’un parcours initiatique.
Lequel ? Celui du snob qu’on a été, qu’on est parfois ou qu’on sera – pas de jugement –, piégé dans le visionnage d'un film d'action parce qu'il n'a pas su résister à Tom Cruise (alors déjà validé par Kubrick, Spielberg, Scorsese, Stone, Pollack ou De Palma, excusez du peu). Pour nous incarner, une Cameron Diaz aussi excellente qu’à son habitude, et qui n’aura de cesse de détricoter, sans avoir l’air d’y toucher, la figure traditionnelle de la demoiselle en détresse.
À partir de ce postulat, on peut suivre une espèce de version accélérée et un peu tronquée du schéma de Kübler-Ross (les 5 étapes de la mort). Ça commence lorsqu'on se rend compte, dès la scène de baston dans l'avion, que l'action de ce film ne sera pas de celles, intellectuellement acceptables et à vocation crédible sinon réaliste, qui mettent en exergue les valeurs primales de l'individu éprouvé face à l'adversité extrême, mais bien d'un genre suave et relativement cartoonesque, quoique non parodique, où le plaisir découle du geste précis et bien exécuté, du plan martial qui se déroule sans accroc.
J'adore.
Mais pas Cameron Diaz, qui, réfractaire pour l'occasion, est d'abord dans le déni (peut-être que c'est une comédie ? Impossible que tous ces gens soient *vraiment* morts), puis sombre dans le choc, avant de négocier une forme de retour à la raison en faisant confiance aux autorités (les fédéraux, les pompiers, un passé ordinaire mais réconfortant). Face à l'exubérance de l'action, quoi de plus rassurant qu'un costard-cravate avec un badge bien poli ? Impossible, pourtant, d'échapper au rythme effréné du cinéma de divertissement qui, tel le requin, rend l'âme si par malheur il commet l'erreur de rester immobile trop longtemps.
Si vous n'allez pas au cinéma d'action, c'est le cinéma d'action qui ira à vous, tel Tom Cruise qui atterrit, tombé du ciel à travers les nuages (quel heureux présage !) sur le toit de votre bus alors que vous tentez simplement, pépouze, de regagner votre quotidien fait de films français où les gens parlent dans leur cuisine. Allez-y, faites le test : qui, autour de vous, n'a JAMAIS vu de film d'action ? Personne. Tarzan ? FILM d'ACTION ! La Course au jouet ? FILM d'ACTION ! Astérix ? FILM d'ACTION ! Les pubs Orangina d’Alain Chabat ? FILM d’ACTION !
Pourtant, personne n'aime se voir imposer des brocolis (l'enfant), un contrôle fiscal (le start-upper), un film d'action (le snob) ou un bikini (Cameron), et la colère est donc une réaction toute naturelle. On tape du pied, on s'enfuit, on proteste ("non mais c'est de la merde, ton film, vas-y, mets plutôt La Grande Librairie", etc.), on trahit Tom Cruise... Tout plutôt que de se regarder dans la glace pour faire le point sur ses propres sentiments. Pourtant, la réalité est là, indéniable, implacable, ineffable : même les plus grands cinéphiles bandent devant des pornos autrement plus mal écrits, cadrés, joués, réalisés et même plus mal chorégraphiés que Knight & Day. Si vous avez la chair de poule et les tétons qui pointent, ce n’est pas parce que le chauffage est en panne, c’est parce que le film d’action parle à votre ça, à l’animal en vous.
Je sais, je sais : votre surmoi vous hurle qu'après avoir vu Satantango avec votre téléphone éteint, sans plateau repas et sans aller aux toilettes (vrai cinéphile pisse dans une bouteille), vous n'avez plus le droit d'apprécier un film auquel les Cahiers ont mis 1/5, mais croyez-moi, vous ne serez jamais aussi épanoui et belle que lorsque vous direz au film d'action, comme Cameron Diaz à Tom Cruise en pleine forteresse ennemie : "Je crois que j'ai envie de te faire l'amour."
(à suivre : des SPOILERS)
Cette acceptation n'est pourtant pas ici le bout de la route, puisque, dans les parcours de vie, toute fin est également le début d'un nouveau chapitre. Dans Knight & Day, nos héros, dans une séquence dont Christopher Nolan s'amuserait à nous faire croire qu'il s'agit d'un rêve, prennent la route, libérés de tous leurs soucis, vers quelque destination fantasmée. Cette route, bien sûr, est métaphorique : c'est l'horizon constant, l'arbre des possibles aux branches déployées à l'infini. Le monde est votre huître, votre boîte de chocolats, votre ticket doré, et la vie est trop courte pour reprocher à un film d'action de n'avoir rien à raconter... Ce qui n'est de toute manière pas le cas de celui-ci !
Créée
le 8 juin 2025
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