Dans un coin désertique, Llewelyn Moss, vulgaire soudeur à la retraite, trouve deux millions de dollars sur une scène de crime qui ressemble à tout point de vue à un règlement de compte. Sa soif d'argent et l'ironie du sort, veuillent qu'un peu plus tard dans la nuit, il revienne sur les lieux de crime. Au lieu d'effacer toute trace de sa venue, il va au contraire mener un sérial killer psychiatrique à sa trousse. Film hypnotique aux déambulations désertiques presque contemplatives, No country for old men n'en reste pas moins un long métrage terriblement incarné. Joué par le prodigieux Javier Bardem, ce tueur dénommé Anton Chigurh, froid, sans émotion, presque déshumanisé tue tout ce qu'il croise sur son passage avec une sauvagerie presque désinvolte. Llewelyn Moss, lui, est obnubilé par son magot et est trop fier ou trop idiot pour se soucier du danger qui l'attend malgré les attentions de sa femme. S'en suit alors une cavalcade contre la mort et une poursuite à tombeaux ouverts entre les deux hommes. Tant qu'Anton Chigurh n'aura pas son argent, il n'arrêtera pas sa marche en avant et sa folie ira alors crescendo.
No country for old men est une grille excellemment bien écrite d'hommes et de femmes à l'innocence déchue et aux rapports plus ou moins différents à l'argent. Les frères Coen nous serve sur un plateau un récit d'une grande qualité qui mélange avec aisance, scènes de pures tensions au suspense implacable et moments intimistes à l'ironie presque macabre. No country for old men est d'une telle qualité qu'un rien devient tendu et sec comme un coup de trique vous prenant aux tripes à l'image de cette saynète entre Anton Chigurh et un simple caissier d'une station essence où la vie de ce dernier ne tient qu'à un fil. Shérif du comté où se déroule l'histoire, Bell, est un vieux policier dépassé par les événements et regardant ce chaos sur le bas coté pour ne pas s'en approcher. Il est sans doute un peu trop vieux pour ces "conneries" et voit un pays sur la corde raide et désarmé pour faire face à cette folie meurtrière de cette jeunesse presque inconsciente.
Outre le fait que cette histoire soit prenante et tétanisante du début à la fin, c'est avant tout le travail visuel des frères Coen et de Deakins qui émerveille à chaque instant devant nos yeux ébahis. Photographie somptueuse, plans désertiques éblouissants, rythme effréné, la mise en scène des réalisateurs américains n'a jamais été aussi maîtrisée ne laissant jamais de place aux hasards. La violence, l'argent, des valeurs qui prédominent et hiérarchisent notre civilisation moderne et qui corrompent les hommes jusqu'à les ramener à leur états primitifs sans états d’âme feront de No country for old men un film noir sans concession avec ses faux airs de western. Etant une adaptation du livre éponyme de Cormac McCarthy, les frères Coen nous offre là non pas qu'une simple course poursuite contre le temps mais est un véritable recueil à la fois ironique et mélancolique sur la place de l'argent dans une société laissant de coté ses principes pour assouvir ses ambitions.