Javier Barden réussit de manière impressionnante à vous rendre mal à l'aise simplement en vous regardant. Même si bien sûr, le serial killer inspire la peur par définition. Ce qui est remarquable dans le personnage qu'il incarne, c'est probablement l'absence de motivations claires et précises. On ajoute à cela un mode opératoire reconnaissable et terrifiant (ici, bouteille de gaz), et on obtient toutes les caractéristiques du psychopathe. Ses actes vont à l'encontre de la société et de ses valeurs. Il n'éprouve aucun remord à chacun de ses actes, il est inhumain, sans pitié. Il joue avec les émotions de ses victimes, invoquant même par moment le "hasard" à la manière d'un personnage de DC Comics : Double-Face.
Tout au long du film, les frères Cohen se plaisent dans la succession de scènes où la violence est souvent suggérée mais pas toujours. La quasi absence de bande son renforce d'ailleurs l'atmosphère qu'ils instaurent dès les premières minutes. Il aurait été tout à fait envisageable de commencer par la scène de boucherie dans le désert à la frontière du Mexique et des États Unis. Mais c'est justement cette histoire de deal qui a mal tourné qui sert de support scénaristique, elle ne prends pas le dessus sur les évènements qui suivent. Cette histoire n'est effectivement qu'un prétexte.
Le film est captivant de bout en bout, mais quand il s'agit de faire le bilan, qu'en est-il ? Quelles sont les leçons à tirer de tout ça ? Le titre du film et du roman éponyme dont il est l'adaptation présage de la morale. C'est par conséquent relativement prévisible et ça ne va probablement pas aussi loin qu'on pourrait l'espérer. Il semble manquer d'un petit quelque chose qui nous permettrait d'aller plus loin dans la réflexion. C'est peut être ce qui fait le défaut de cette adaptation : des éléments présents dans le livre ont probablement été mis sous silence. Sans être une coquille vide, cette adaptation peut nous apparaître néanmoins comme incomplète.
Pour autant, le "chasseur chassé" charismatique, joué par Josh Brolin, nous donne des éléments de réponses au début du film. En réponse à sa copine qui s'inquiète de sa sortie nocturne, il lui dit la chose suivante : "C'est probablement une grosse connerie, mais j'y vais quand même." On comprends alors un peu plus tard pourquoi. Emportant avec lui un bidon d'eau pour un homme souffrant, il cède à la pitié. Cet élan d'humanité participera à notre sympathie pour ce personnage, bien que cette action soit à l'origine du déchaînement de violence autour de lui. Cette action est d'ailleurs ce qui le différencie clairement de son ennemi, le fantôme qui erre et dévaste tout sur son passage.