Les intentions sont nobles sur le papier : Sophie Calle et Greg Shephard se sont rencontrés dans un bar new-yorkais en 1989, et après s'être perdus de vue, se retrouvent en deux ans plus tard. Presque sur un coup de tête, alors que le couple bat de l'aile, ils se lancent dans un road-trip un peu particulier pour parcourir le continent nord-américain d'Est en Ouest, de New York à Los Angeles. En 1992, il se lancent sur les routes américaines dans une Cadillac (qui n'en finira pas d'avoir des problèmes mécaniques), armés chacun de son côté d'une caméra faisant office de journal de bord. Le but de " No sex last night" (aka Double Blind) : faire le récit de cette aventure en combinant les deux témoignages que les amoureux au bord de l'implosion avaient fait chacun dans son coin, façon confessionnal.


En pratique, ces belles intentions se révèlent peut-être un peu trop ambitieuses, surtout lorsqu'on prend conscience de l'hommage à Chris Marker que cette narration fragmentée et calquée sur des images figées (en grande partie) est censée véhiculer — les derniers mots lui sont dédiés : Final dedication to Chris Marker for his film "La Jetée". Le visionnage est un peu ingrat, étant donnée la qualité des enregistrements — mais pas du son, étrangement : c'est ce qui laisse penser qu'il ne s'agit peut-être pas vraiment d'un documentaire en prise directe mais bien une mise en scène à proprement parler, même si le doute restera entier à l'issue du film. On met longtemps à rentrer dans cette histoire un peu abracadabrante centrée sur un voyage pourtant extrêmement intéressant, au cœur d'une crise amoureuse et de sa tentative de résolution. Lui, toujours distant et évasif, mystérieux, presque passif-agressif. Elle, constamment dans le furetage et le glanage d'informations, sur fond de jalousie grandissante. Mais cette sorte d'autobiographie est un peu gênante, intrusive, indélicate, remplie de manipulations et de subterfuges, et quand bien même l'effet serait recherché, le malaise n'est pas vraiment productif, artistiquement parlant.


Derrière ce déballage de sentiments dans une forme expérimentale, on imagine bien une œuvre de musée dans le giron du contemporain, mais cette accumulation de confidences vire un peu à l'indigestion. Le concept reste intéressant, comme un cluedo psychologique autour de la sincérité des sentiments. Le final reste marquant, avec ce mariage réalisé dans un drive-in.

Morrinson
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le 10 déc. 2019

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