A plusieurs égards, Nomadland s'égare dans son cheminement. De ces histoires de "vraies" vies croisées fourmillent bien des sujets, aussi passionnants que contemporains. Sans être franchement creusés, les problématiques, doutes, questionnements sont nombreux à être effleurés.


Dès les premières lignes, le récit pose le contexte pleinement encré dans la crise économique du début des années 2010. Pour autant, il ne s'agit pas de s'attendre à un pamphlet anticapitaliste. Fern (jouée par McDormand) se contente très bien de ses conditions de travail à Amazon; « ça paie bien » se contente t-elle de dire. Son mode de vie, nomade, est un choix total et assumé, un besoin vital même. Il n'y a absolument aucune parole syndicale ni aucune plainte de ces travailleurs précaires dans Nomadland. En adaptant le livre documentaire éponyme, Chloé Zaho semble vouloir transmettre et partager la parole de cette communauté avec une pure authenticité et se refuse à tout message politique.
Le propos ne se limite pas néanmoins à un portrait idyllique, idolâtre ou naïf. Les protagonistes de cette aventure expriment tous leurs raisons d'être là, avec une émotion perceptible. Dans ce chœur il manque peut-être la parole des compagnons d'infortune qui ne sont pas là par choix. La colère, le désespoir, l'abandon, l'humiliation...voilà la palette des sentiments qu je pensais rencontrer. La tonalité ne fait qu'osciller entre déterminisme et mélancolie, jusqu'à l'accompagnement musicale qui devient un peu trop lourd et tire vers le lacrymal. Du Ludovico Einaudi c'est beau, mais point trop n'en faut.


On retiendra certainement de ce film qu'il est beau, et c'est assez indéniable. Les plans sur les plaines américains sont magnifiques, la lumière est incroyable. Le naturel des personn(ag)es prenant part à cette aventure aussi est beau à voir. Il y a des beaux instants de vie, pleins de bonhomie. C'est pour autant assez déroutant d'aborder la misère avec un sens aussi aigu de la poésie. Peut-être est-ce là que Nomadland perd le fil de sa simplicité. A faire un film beau, Chloé Zaho romance ce qui pouvait rester à l'état de documentaire pur. A l'instar de la musique, certaines images, furtives, paraissent bien futiles. Le rythme et la durée se calquent au format fictionnel. Il en ressort le sentiment que les tranches de vies semblent alors grossièrement taillées dans le vif du sujet. Les artifices du cinéma ne sont pas exploités avec assez d'aplomb ou de minutie et peuvent surplomber l'histoire.


Nomadland prend un chemin de routine, bientôt à sa fin, loin donc d'un parchemin foisonnant de surprises et résolument ouvert.

adamkesher01
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le 1 juil. 2021

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Adam Kesher

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