Haha, on se marre quand même bien devant ce documentaire.


Bon alors, pour commencer, je précise que je ne suis pas contre Youtube ou contre le fait qu'on puisse faire des vidéos et les mettre en ligne. Au contraire, c'est une bonne chose en soi et j'y ai découvert des émissions ou des sketches intéressants. Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de mauvaises choses là-dessus, beaucoup plus que de bonnes. Du coup, c'est quand même difficile d'adhérer au message qui dit que Youtube c'est une plateforme géniale, que ça permet à de jeunes artistes de s'exprimer librement et que donc c'est forcément bien tout ce qu'on y trouve.


D'ailleurs, des phrases de ce genre, on en entend quelques unes dans ce documentaire. Celle qui m'a le plus fait marrer, c'est quand un youtubeur déclare que les vidéos sur Youtube sont l'avant-garde du cinéma français. Hahaha. C'est vrai que le cinéma populaire français n'est pas toujours au top, mais j'ai quand même espoir que ça ne tombera jamais aussi bas que la grande majorité des vidéos youtubes (y compris parmi les plus connues).


Et sinon, le docu, il est comment ? Ben il est un peu chiant. En gros, l'auteur adore Youtube et ne propose donc qu'un contenu qui va dans ce sens, sans jamais vraiment prendre de la distance par rapport à ce qui est dit. Par exemple un des arguments 'forts' c'est la liberté artistique : les youtubeurs sont heureux de n'avoir personne pour leur dire quoi faire. On peut effectivement s'en réjouir (le mythe de l'artiste qui doit forcément avoir quelque chose d'intéressant à dire), mais ce serait bien aussi de se rendre compte de l'importance d'avoir justement quelqu'un pour brider.


Il ne faut pas voir le producteur comme quelqu'un de foncièrement méchant, non, ce type n'est pas là juste pour casser l'artiste, il rappelle au contraire qu'il y a des problèmes liés à l'argent, au public visé ou tout simplement que le projet possède quelques défauts d'écriture ou de mise en scène. Combien de film géniaux sont sortis justement parce que le réalisateur a dû contourner un problème (le producteur refusait qu'on aborde tel sujet ouvertement, cela apparaît donc comme un sous-texte)Et la liberté totale, c'est finalement un problème puisque le créateur a beaucoup moins l'occasion de se remettre en question. De ce fait, il risque de tourner en rond beaucoup plus vite, de s'enfermer dans sa petite bulle, avec parfois d'autres créateurs, et n'en jamais sortir. On pourrait considérer les youtubeurs comme un groupe d'artistes comme il y avait autrefois des groupes de peintres qui se voyaient fréquemment, sauf que ça manque furieusement de liens vers l'extérieur, si bien que tout finit par se ressembler.


La liberté pour inspirer ? Ben pas trop en fait. Quand on peut tout faire, on fait un peu n'importe quoi. Le fait d'avoir un castrateur, ça pousse les artistes à trouver des solutions à des problèmes. C'est d'ailleurs un problème des CGI, ça permet de tout faire, il y a de moins en moins de problèmes scéniques qui se posent, du coup les films paraissent moins intéressants. Parce que mine de rien, le contexte de création joue inconsciemment sur la perception d'un film. C'est d'ailleurs très flagrant par rapport au flim "Hardcore Henry " qui, malgré le budget et les effets spéciaux, est beaucoup moins impressionnant que le court clip à l'origine du navet.


Là je suis partie un peu en vrille, mais toutes ces questions liées à la liberté, on n'en parle pas trop. La seule chose que l'on dira dans ce documentaire, c'est que la liberté est un peu stoppée par le manque de budget. mais même là, la réponse est toute simple : au fond, les vidéos sans budget, réalisées avec le cœur, sont peut-être beaucoup mieux que celles réalisées avec un bon paquet d'argent. Et oui, c'est ce genre de gentilles phrases qu'il faut se taper en regardant ce documentaire, rien n'est jamais vraiment remis en question. Youtube, c'est bien, les Youtubeux, c'est encore mieux ! À croire qu'il n'est pas possible d'exercer un esprit critique sur Youtube (Antoine Daniel déclare d'ailleurs naïvement : 'tant que ça te plaît à toi, tu trouveras toujours un public' ; après il dit quand même qu'on peut se ramasser en faisant quelque chose de friqué et très mauvais).


On sent aussi une espèce de complexe dans ce docu : il faut absolument qu'ils la ramènent sur le fait qu'ils ne sont pas considérés comme des artistes. C'est vrai que ce sont des artistes, c'est un peu grâce à l'art moderne que Youtube peut trouver de la légitimité puisqu'on y avait déjà déclaré que n'importe qui peut devenir artiste et que n'importe quoi peut être une oeuvre d'art. Mais ici, on sent la peine qu'ils ont à ne pas être reconnus comme tels, à être plutôt vus comme des gens qui se font du blé en postant des vidéos débiles. C'est un point à aborder, mais une fois de plus, rien n'est développé, on se contente de laisser chacun donner son ressenti sur la question... chacun, c'est-à-dire les youtubeurs eux-mêmes. En fait, le docu est lui-même symptomatique de ce que sont les youtubeurs : un monde fermé. Jamais l'auteur n'aura l'idée d'interroger quelqu'un du monde extérieur. (un critique d'art en général ou de cinéma plus spécifiquement).


On parle aussi de la démocratisation des moyens techniques. En effet, aujourd'hui, les bonnes caméras sont plus accessibles qu'il y a 10 ans, ce qui permet de rendre des produits plus jolis. Mais ce qui m'a frappé, c'est que certains youtubeurs pensent délivrer un contenu aussi pro que pour le cinéma. Ils sont content de leur découpage, de leur montage, de leurs effets CGI... sauf que non, c'est mauvais. Et c'est bien triste de ne pas le remarquer. Ou de s'en cacher. Parce qu'on dirait vraiment que c'est ça le problème : sur youtube, on peut tout faire, mais on ne peut pas trop critiquer parce que ça vient du cœur et que les youtubeurs sont des artistes qui s'expriment.


Niveau mise en scène, le documentaire n'est pas très intéressant : cela consiste principalement à voir des youtubeurs parler, entre deux interventions on adroit à quelques extraits. Rien de très folichon. Rien de très audacieux. C'est vraiment le genre de docu un peu pourri, bancal, sans aucune audace. Et même sans injecter plus d'argent là-dedans, je pense que ça aurait pu être mieux. Ne fut-ce qu'en sortant de ce cercle fermé.


Bref, ce docu n'est pas terrible car il ne fait que la moitié du boulot ; en effet, il manque une distanciation pour laisser place à une remise en question, écouter des gens se jeter des fleurs, ça n'a rien de très intéressant. Certains émettent des théories mais personne ne pense à les développer, cela apparaît alors comme des vérités ultimes. C'est bien dommage.

Fatpooper
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le 4 juil. 2016

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