Nostalghia est le sixième et avant-dernier film d'Andrei Tarkovski sorti en 1983 avec Oleg Yankovski. Il s'agit d'un film que Tarkovski dédie à la mémoire de sa mère. Il recevra d'ailleurs pour ce film le prix du cinéma de création des mains d'Orson Welles !


Un documentaire a également été fait durant les repérages pour le film du nom de Tempo Di Viaggio.


Le film nous fait suivre, Andrei Gortchakov, un poète à la recherche en Italie d'un compatriote compositeur, Pavel Sosnovsky, qui y a séjourné au XVIIIe siècle.


Tout du long du film, nous serons témoins de la solitude et de l'isolation des trois personnages principaux du film :



  • Andrei qui même s'il est accompagné d'Eugénia (interprété par la magnifique Domiziana Giordano), il se sent toujours seul et il ne sait pas quoi faire pour y remédier ni d'où ses peines viennent.


Le mal du pays semble être en premier lieu la source de sa solitude, il mentionne que les frontières ne sont là que pour garder les gens dans un pays ou un autre et qu'elles devraient être aboli, car les frontières font voir les gens comme des étrangers.


Eugénia lui fera néanmoins remarquer qu'il pourrait appeler sa femme ou simplement accepter ses avances.


Mais Andrei se sent seul même avec les autres ... Jean-Paul Sartre, qui avait défendu le premier film de Tarkovski, l'Enfance d'Ivan disait à ce sujet " Si tu te sens seul lorsque tu es seul, tu es en mauvaise compagnie. "


Nous pouvons également voir que dans la maison de Domenico, il y a une pancarte avec 1 + 1 = 1 preuve que nous sommes condamnés à être libre, donc seul responsable de nous mêmes et donc nous vivons et mourrons seuls ...


Le sentiment que semble ressentir Andrei peut se rapporter au mot portugais : saudade, qui est un sentiment où se mêle : mélancolie, nostalgie et espoir ...



  • Eugénia qui en essayant de faire visiter un couvent à Andrei, aura une discussion avec un prêtre.


Elle lui demandera pourquoi les femmes sont plus dévouées que les hommes, et pourquoi les femmes ont plus tendance à dévouer leur vie à Dieu.


Le prêtre esquivera ses questions avant de lui dire qu'il n'est qu'un homme et que les femmes existent pour avoir des enfants, ce qui offensera Eugénia qui demandera si sa valeur n'est définie que par cela. Le prêtre esquivera de nouveau ...


On dirait qu'Eugénia voulait que le prêtre lui dise que les femmes ont davantage besoin de prière, car elles ne sont pas vues en tant que l'égal de l'homme.


Son isolation est due à sa société (ou du moins sa vision de la société), elle se questionne sur la raison pour laquelle les femmes malgré leur dévotion, n'ont pas eu de la part de leur dieu, la même place que les hommes dans la société (la bible parle pourtant du principe de complémentarité, l'homme a besoin de la femme, comme la femme a besoin de l'homme, de ce fait, ils n'ont pas les mêmes rôles, montrant que la société a perdu le sens du sacré).



  • Et Domenico qui quant à lui, est un homme très croyant qui s'était isolé avec sa famille durant 7 ans !


Son isolation vient quant à elle de la différence entre sa pensée et celle des autres !


En effet, il est considéré comme fou par la plupart du village. Cependant, Andrei s'intéressera à lui pour chercher un moyen de comprendre d'où vient ses problèmes en acceptant une requête au passage : traverser avec une bougie allumée, le bain thermal de Bagno Vignoni, qui pourrait sauver l'humanité !


Lui qui n'avait jamais pu accomplir sa mission, car les villageois lui en empêchent, s'en verra satisfait et fera ses adieux au monde avec un discours sur la statue de Marc Aurèle, où il annonce que les gens devraient s'aimer comme des frères et sœurs pour ne plus se sentir isoler ou seul en poursuivant une vie simple, avant de s'immoler par le feu ...


Sauf que la foule restera à distance de chacun de leurs voisins ... personne n'essayera non plus de l'aider ou bien de le rassurer pour ne pas qu'il se brûle ... le seul qui agit n'est autre qu'un chien attaché, ne pouvant donc rien faire à part aboyer de toutes ses forces ...


Domenico à l'instar du Stalker, se place en prophète ayant le don d'observer ce dont beaucoup refusent de voir, mais là où le Stalker gardait une certaine pureté, Tarkovski ne cesse de montrer les failles de son prophète et parfois même un aspect ridicule participant à rendre le film plus désespérément passionnant !


Andrei accomplira donc la mission de Domenico en traversant le bain thermal de Sainte-Catherine, créé pour soulager les maladies.


Sainte Catherine est reconnu pour avoir joué un grand rôle durant le grand schisme d'Occident pour réunifier l'Église orthodoxe de l'est et l'Église catholique.


Il cherche sa bénédiction pour guérir son mal et créer une plénitude en lui.


Et en faisant cet acte, sauve-t-il le monde ? Son acte, ne serait-il pas aussi vain que la tentative d'Eugénia d'avoir des réponses de la part de Dieu ?


Tarkovski durant la totalité du film, crée une distance par le biais de ces cadres, dont les compositions d'une grande richesse en étant fortes de sens, invoque au spectateur comme aux personnages par le traitement de l'image, une nostalgie des moments passés dans sa mère patrie.


C'est cette même nostalgie, qui a poussé Sosnovsky à se suicider ...


Ce film fut pour Tarkovski le plus mélancolique de sa filmographie dû à son statut d'expatrié en exil loin de sa famille comme Gortchakov et Sosnovsky ...


Sinon niveau musique, dans Nostalghia, il n'y a que de la musique classique de Debussy, Verdi, Wagner et Beethoven. Pour la première fois depuis Solaris, Edouard Artemiev ne s'occupe pas du tout du son.


Pour conclure, j'aimerais finir sur un muki (un Haiku sans notion de saison) étant donné que Tarkovski aimait beaucoup le Japon :


Même en Italie
La saudade m'envahit
Ma terre me manque …

Créée

le 6 juil. 2019

Critique lue 247 fois

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Albator_Larson

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