Après vingt ans de bonheur, moins quelques mois, après avoir tiré la sonnette d'alarme, sans être entendue, Sandrine annonce à Christophe qu'elle envisage de le quitter.
Le choc est rude pour Christophe qui tombe des nues et décide pour tenter de reconquérir sa belle d'emmener toute la famille pendant un week-end, deux ados inclus, en pèlerinage sur des lieux marquants de l'histoire familiale. Sans être un fiasco total, le périple improvisé s'avère moins balisé que prévu et plus périlleux, Christophe ayant confondu reconquête de son épouse et re-soudage de la famille.
Vous connaissez j'imagine mon rejet voire ma détestation (non c'est l'inverse) des comédies françaises franchouilles à base de pipi caca prout bite couilles à peine dissimulées sous un prétexte de thème sociétal qui finit par disparaître dans la (prétendue) poilade (racisme, éducation, écologie etc.). C'est le casting de celle-ci qui m'a attirée. Comment résister à Charlotte et José ? D'abord parce que le couple est cohérent et n'affiche pas 25 ans d'écart d'âge et aussi parce que Charlotte sous ses airs dramatiques recèle des trésors de fantaisie et que José sous une apparence de clown agité excelle dans l'art d'émouvoir. Le réalisateur leur donne l'occasion de briller dans chacun de ces registres et son film ne cesse de souffler le chaud et le froid, d'alterner l'humour et l'émotion, de faire sourire et d'émouvoir l'instant d'après.
Une réussite donc, que je vous encourage à voir en famille, avec votre douce moitié (si vous avez cela en rayon) et/ou avec vos ados car le scenario ne se limite pas à donner la parole aux adultes du couple arrivé à un point de non retour, il donne aussi à entendre le point de vue des ados formidablement bien écrits ici et interprétés par deux jeunes gens qui semblent savoir de quoi ils parlent. Mais aussi d'amorcer une tentative de communication entre les géniteurs et leurs héritiers. Ici, pas deux grincheux soupirants qui claquent les portes mais deux personnes qui souffrent, s'interrogent et cherchent l'émancipation tout en ayant toujours besoin de leurs parents. A l'histoire d'amour sur le déclin des parents répondent les bouleversements et questionnements, doutes et malentendus de l'adolescence. A noter également la belle complicité entre les deux ados frère et soeur.
Je vous encourage donc à rendre visite aux Leroy dont la belle histoire d'amour est superbement bien illustrée par le prologue qui égrène sur plusieurs années les échanges de messages laissés sur les répondeurs vintages des années 90 puis ceux du XXIème siècle. Si certaines scènes sont de la pure comédie, elles ne sont jamais désagréables ou mal fagotées même si elles ressemblent à des sketches, d'autres jouent davantage sur l'aspect dramatique de la séparation programmée (ou pas). Comme celle de l'invitation au restaurant qui tourne au ratage complet au cours de laquelle les mots dits finissent par exprimer un long temps de rancoeur ou à dépasser la pensée... avec en prime une interprétation karaoké très intense par José Garcia de Voici les clés de Gérard Lenorman. (A noter également l'intrusion incongrue d'une chanson de Michel Sardou un peu oubliée (du temps où il était napoléonien, je vous recommande la vidéo https://youtu.be/nNbV0YVKHvE?feature=shared, elle est à mourir de rire) dans une scène assez drôle, une autre du groupe Niagara... j'ai aussi cru entendre les premières notes de Atmosphère de Joy Division).
Le film oscille constamment entre le farfelu, l'intime, l'humour, la tendresse, la drôlerie sans jamais sombrer dans le mauvais goût. Un joyeux et doux moment, tendre et cruel, un peu comme la vie non ?