Une véritable déclaration d’amour au premier film culte de Jean-Luc Godard

Nouvelle Vague est le dernier film de Richard Linklater qui a eu droit cette année à son entrée au festival de Cannes. Comme son nom le laisse entendre, Nouvelle Vague est un hommage au mouvement cinématographique qui a émergé en France dans les années 60. Et plus encore, c'est un film sur Jean-Luc Godard au moment où il s'apprête à réaliser À bout de souffle (1960) avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo. C'est peu dire d'affirmer qu'avec Les 400 Coups, À bout de souffle est un mythe de la Nouvelle Vague. Et même si je ne suis pas le plus grand fan de Jean-Luc Godard, j'adore son film À bout de souffle. Alors c'est peu dire, si avant d'aller voir Nouvelle Vague, j'en attendais beaucoup.

Le film commence avec un Jean-Luc Godard (Guillaume Marbeck) très envieux de ses deux collègues des Cahiers du Cinéma, François Truffaut (Adrien Rouyard) qui vient de réalisé son premier film (Les 400 coups qui a fait un triomphe à Cannes) alors qu'il a deux ans de moins que lui et Claude Chabrol (Antoine Besson) qui a déjà réalisé deux films (Le beau Serge et Les Cousins). Ayant une haute opinion de lui-même, il se dit tout naturellement "Pourquoi pas moi ? Et à quand mon tour ?". On va donc suivre Jean-Luc Godard pendant la préparation, puis pendant les vingt jours du tournage d'À bout de souffle (et un peu l'après aussi).

On va très vite s'apercevoir que ces vingt jours de tournage ne seront pas de tout repos, il refuse de donner leur texte à Jean Seberg (Zoey Deutch) et à Jean-Paul Belmondo (Aubry Dullin) et semble improviser chaque jour de tournage avec son carnet de notes. Aprés une seule scène de tournée ou même pas avant 11h00, il renvoie tout le monde à la maison. Et quand il n'a pas envie de tourner, il annule la journée de tournage pour tout le monde. Résultat, au bout d'à peine neuf jours de tournage, il n'a presque rien tourné, ce qui rend fou son producteur Georges de Beauregard (Bruno Dreyfürst). Et si Jean-Paul Belmondo s'amuse beaucoup des bizarretés de Jean-Luc Godard, Jean Seberg quant à elle commence à regretter d'avoir signé pour ce film. Alors qu'elle rêvait de tourner pour François Truffaut ou Claude Chabrol, elle se retrouve sur un tournage dont elle ne comprend aucun code.

Mis à part Zoey Deutch qui interprète Jean Seberg, Richard Linklater a fait appel a de parfait inconnus pour faire son film. Ah si, il y a tout de même Tom Novembre qui joue Jean-Pierre Melville avec sa voix si reconnaissable. Tom Novembre ayant 65 ans, j'avoue que c'est un peu déstabilisant de le voir interpréter Jean-Pierre Melville qui n'avait que 42 ans au moment où À bout de souffle a été tourné. Mais mis à part ça, tous les acteurs ont fait un travail prodigieux pour imiter les grandes figures de cette époques. Pour son premier film, Guillaume Marbeck ressemble à s'y m'éprendre à Jean-Luc Godard, non seulement physiquement, mais aussi dans le texte. Il s'est littéralement transformé et a repris tous ses tics de langages, à commencer par son célèbre zozotement qu'il reprend à la perfection.

Richard Linklater est un réalisateur très reconnu dans le cinéma indépendant américain et qui tient énormément à sa liberté de création, comme Jean-Luc Godard à son époque. C'est manifestement un grand admirateur du mouvement de la Nouvelle Vague, dont on pouvait déjà percevoir une grande influence sur la trilogie Before (Sunrise, Sunset et Midnight), qui s'apparente beaucoup avec la saga Antoine Doinel de François Truffaut. C'est donc logique de le voir s'atteler à ce projet, de rendre hommage à ce cinéma qui l'a tant influencé. C'est aussi l'occasion de montrer l'envers du décors, de voir comment un film est fait, en bandes, avec le producteur, les acteurs, l'assistant réalisateur, le script, le chef opérateur et même les monteurs. Et des films de bandes, Richard Linklater en a déjà fait (Dazed and confused et Everybody Wants Some !! en témoignent). C'est aussi un film qui joue avec notre rapport sur le temps, pour nous montrer comment en vingt jours de tournage on peut raconter une histoire condensée en moins d'une heure trente. Et en quelque sorte, ça aussi il l'a déjà fait avec Boyhood, mais dans l'extrême contraire, un film tourné sur dix ans condensé en trois heure.

Avec Nouvel Vague, on en apprend beaucoup aussi sur l'origine de ce mouvement, avec les Cahiers du cinéma qui va accoucher de nombreux réalisateurs de renom. On voit aussi comment Jean-Pierre Melville, Roberto Rossellini et Robert Bresson ont beaucoup contribué à les rendre crédibles, en les tolérant ou les adoubant, pour permettre leur émergence. On voit tous ces apprentis cinéastes rêver d'un autre cinéma, qui s'éloigne beaucoup du cinéma "à papa" des années 40/50. On en apprend aussi beaucoup sur Jean-Luc Godard, sur son rapport au cinéma. Avec Jean-Luc Godard et À bout de souffle (1960) on entre donc de plain-pied dans le cinéma des années 60. Et si comme moi vous adorez À bout de souffle, on a accès à pleins d'anecdotes sur le tournage du film, certaines que je connaissais, mais d'autres aussi que moi personnellement je ne connaissais pas. On voit la relation tumultueuse entre Jean Seberg et Jean Luc Godard et celle plus complice avec Jean-Paul Belmondo, le tournage sans prise de son qui donne lieu à des moments très amusants. On voit aussi comment le chef opérateur Raoul Coutard (Matthieu Penchinat) s'enferme dans la boite d'un chariot postal pour filmer au milieu des passant sans qu'ils s'en rendent compte. Il remplace également les rails de travelling par une chaise-roulante pour filmer caméra à l'épaule.

Bref, Richard Linklater réussit une œuvre simple et accessible, à l'opposé du cinéma de Jean-Luc Godard qui s'affranchissait de tous les codes du cinéma. Il y a de quoi devenir fou en voyant comment il arrive à pondre un monument de cinéma, sans scénario, sans prise de son et sans le moindre éclairage. Et en même temps, il nous donne envie de revoir le film À bout de souffle. C'est la force, mais aussi la faiblesse du film. On prend beaucoup de plaisir à se plonger dans cette époque, mais en voyant comment sont réalisées certaines scènes du film, on a juste envie de revoir le film dont on ne voit que le tournage. Mais peu importe, on ressort de Nouvelle Vague avec le sourire. J'en viens même à être nostalgique d'une époque que pourtant je n'ai pas connu.

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lessthantod

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