À quoi bon ?

Dès que j'ai vu les bandes annonces, j'étais perplexe, et je le demeure.
Non pas que le film en lui même n'ait pas des aspects fantastiques, y’a des trucs marrants, les acteurs marchent bien (Aubry Dullin est assez saisissant en Belmondo, et même si le faux accent de Guillaume Marbeck m'agaçait au début, je me suis surpris à m'y prendre au jeu. Mais pour moi il y a un énorme souci au niveau du ton et de l'esprit de Godard, du moins l'image que je m'en fais.
Il y a des milliers de films sur terre qui ne sont pas dans l'esprit de godard et que j'apprécie, mais ils n'ont pas la prétention de parler de Godard.
Je suis pas là à chouiner "Ouin Ouin, le personnage il est pas comme je l'imaginais" je m'en fous dans l'absolu de ce que le film veut montrer de Godard, mais par contre le dispositif, la manière de le montrer importe.
À bout de souffle, et le film le montre, est un film libre, quasi-improvisé, tourné avec une caméra portable, en équipe réduite, à la va-vite. Qu'est-ce Linklater retient de la manière de tourner de Godard ? Pas grand chose, on a un film a l'esthétique plutôt léchée, enfermé dans le carcan du mode de production moderne, et un certain respect historique de la période, qui laisse peu de liberté sur le plateau.
Alors oui, on veut nous faire croire que ça ressemble à À bout de souffle; on filme en 1.37 noir et blanc, petite émulation pellicule 'tavu, mais c'est de la surface. On imite, comme les accents des protagonistes. Mais l'imitation ça n'est que garder l'expression pittoresque, spectaculaire des choses, sans forcément creuser plus profond.
Comble de l'ironie, le film prête justement une citation sur l'imitation à Godard: les poète immatures imitent, les poète mature volent. Je vous laisse en conclure sur la maturité de linklater, toujours est-il que ça ne vole pas bien haut.
Parce que les deux films racontent chacun une histoire vraie, mais tous deux de manière radicalement différente.
Je trouve ça assez lunaire qu'une scène originale, spontanée, tournée dès la première prise chez Godard, reproduite chez Linklater ait pu en nécessiter plusieurs, par la lourdeur du dispositif, et un prétendu "respect" du matériau original.
Pour mettre de l'eau dans mon vin, je dirais qu'on a pas affaire au biopic le plus convenu de l'histoire, encore heureux, mais ça reste à mes yeux une trahison de l'esprit de godard.
À toute fin utile, je rappellerais aussi que je ne suis pas non plus un spécialiste de Godard (moins que Linklater prétend l'être ????), mais le boug a quand-même des positions si radicales qu'il serait surprenant d'ignorer.
Enfin bref, je suis convaincu qu'on aurait mieux fait de juste ressortir À bout de souffle. Et tant qu'à vouloir connaître la vision de Godard, c'est pas comme s'il n'avait filmé aucun film qui traite du tournage (Passion, Grandeur et décadence d'un petit commerce de Cinéma), ou de la manière même dont il fonctionne (scénario du film Passion).
Tout ça pour dire, pourquoi préfèrer la copie à l'original ?
(En plus les aphorismes du vrai Godard sont quand même bien mieux que ceux que ceux du personnage dans le film)