Sexe, drogues et solitude. Sorte de film punk sucré mais pas acidulé, Nowhere s’inscrit dans la lignée du précédent Doom Generation de Gregg Araki (Mysterious Skin). Il reproduit les figurines du soap criard (intégrant des actrices de ce monde : Shannon Doherty, Rose McGowan) tout en méprisant son essence. Ce qui intéresse Araki, ce sont les ténèbres sous les ecstas. Son langage se fonde sur le goût de l’outrance et du paradoxe. Dans cette marche hystérique, des ados pressés mais surtout pas de devenir adulte se laissent dominer par leurs pulsions de vie et de mort, sans le moindre contrôle, sans chercher la nuance ni la sérénité. L’horreur, l’amour, parasites étouffés en vain même si leurs restes sont appréciés, reviennent à la charge pour gâcher la fête ou l’extase orchestrée.


Nowhere est un film psychédélique sur l’adolescence livrée à toutes les expérimentations, à la satisfaction aveugle et sans frein de ses désirs, mais également au vide existentiel. Blottie dans la vulgarité et l’effusion kitsch, elle ignore la réalité (dure en l’occurrence) du monde. La niaise Egg comme la virulente Mel vivent coupées de toute conscience, se rendant fragiles chacune à leur façon, disposées à marcher dans les pas de ceux qui les priveront de leur liberté. Cruel paradoxe, alors qu’elles mènent leur vie comme il leur plaît. Dark est le seul à s’en vouloir pour son indolence et percevoir les aspects les plus lourds, sombres et tristes de sa condition. C’est peut-être pour cette raison qu’il est le seul à voir distinctement ce tueur en série, reptile sorti de Godzilla ou du Monstre des Temps perdus, qui jamais ne s’en prendra à lui, tandis que les autres ne le voyant venir se trouvent transformés, littéralement, en cafards. Une excroissance pas plus irréelle ni surtout absurde que ceux qu’elle décime et qui l’ont créée, en lui prêtant une source extraterrestre, afin de se soustraire encore aux funestes notions de lucidité et de responsabilité.


https://zogarok.wordpress.com/2015/04/04/seances-express-n27/

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le 4 avr. 2015

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