"Nuit et Brouillard" a du faire beaucoup de bruit à sa sortie. Si des images des camps de concentration avaient déjà été diffusées dans des films grands publics ("The Stranger" d'Orson Welles, dès 1947), il s'agit de l'une des premières oeuvres à traiter aussi frontalement et brutalement du sujet.
Il s'agit d'un mélange d'images en couleurs des camps, tournées pour le documentaire, et d'images d'archives (photos et vidéos). Le tout narré froidement par Michel Bouquet, sous la plume de Jean Cayrol.
Passées les premières minutes qui se permettent un peu d'humour noir, le contenu est clairement conçu pour secouer son spectateur en le confrontant à l'horreur des camps. Ames sensibles s'abstenir, on y verra régulièrement des images de fantômes squelettiques, de cadavres empilés, de corps agressés. En conséquence, "Nuit et Brouillard" a une vraie valeur historique... mais dépasse à peine les 30 minutes.
Une courte durée sans doute afin de limiter l'intensité du choc. Et qui permet aujourd'hui de facilement diffuser ce documentaire, dans l'enseignement par exemple. Mais cela reste frustrant vu d'aujourd'hui, car finalement Alain Resnais reste à la surface de cette terrifiante machine de mort.
On a aussi reproché au film de ne pratiquement pas mentionner la Shoah. Les textes se centrent sur les déportés de manière générale, en particulier les "Nacht und Nebel" du titre. A savoir des personnes déportés parce qu'elles étaient considérées comme des opposants au 3ème Reich, à faire disparaître. J'ignore le pourquoi de cette démarche, peut-être parce que Jean Cayrol était lui-même un déporté NN, qui fut "pensionnaire" du camp de concentration de Mathausen ? Ou pour donner un aspect plus universel à l'oeuvre ?
Toujours est-il que cela demeure un mauvais procès à faire au film, ambitieux pour l'époque, qui cherchait surtout à dévoiler à grosse maille les rouages infernaux des camps nazis.