On the Run
7.2
On the Run

Film de Alfred Cheung (1988)

Polar anxieux et dépressif pré-rétrocession

Petite pépite du polar HK visiblement assez méconnue, On The Run échappe sans doute de peu à une classification Cat 3, puisqu'il en possède une bonne parties de ses attributs usuels. J'imagine qu'il est sorti un poil trop tôt pour "bénéficier" du fameux tampon, si cher aux amateurs de cette période emblématique du cinéma hong-kongais.

Le film est viscéral dans sa façon d'exprimer sa peur de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, typique de ce courant ayant officiellement débuté en 1988. Là où les films de la Cat 3 évoquent souvent cette peur par des moyens détournés et métaphoriques, On The Run est à ce jour ce que j'ai vu de plus frontal à ce sujet (bien qu'il m'en reste un paquet à voir).

Ici, la peur de demeurer à Hong-Kong post rétrocession est bien plus grande que des valeurs telles que l'amour, l'honneur ou l'amitié. Les personnages sont prêts à tout pour s'échapper, et surtout au pire. Que cela soit du côté des "méchants", flics corrompus essayant d'amasser de l'argent pour se tirer, ou du point de vue de l'anti-héros, campé par un Yuen Biao plutôt convaincant dans l'ensemble, dont les horribles péripéties qui lui sont infligées ne semblent guère l'émouvoir davantage que le fait de ne pas pouvoir s'expatrier au Canada, comme il était prévu au début du film avant l'assassinat de sa future ex-femme.

Il est vrai qu'en tant qu'occidental, on peut assez souvent s'étonner des réactions des personnages face à telle ou telle situation dans le cinéma hong-kongais (mais pas que, évidemment), pour des raisons le plus souvent culturelles, mais ce film reste assez troublant, même pour un aguerri. C'est un peu comme si aucune horreur ne saurait dépasser la peur de demeurer à Hong Kong dans ces conditions, et de fait ce film est un témoin des plus ostentatoires de la peur et du malaise tapis au fond des hong kongais à cette époque. Alfred Cheung semble même parfois quasi pardonner certaines horreurs commises par ses personnages pour arriver à s'extirper du territoire.

En tout cela, On The Run est extrêmement dépressif, glauque et violent. C'est un film qui n'a aucune volonté d'épargner ses personnages (même les enfants..), et par conséquent ses spectateurs. Aucune bravoure n'est récompensée, et souvent plutôt punie, si tant est qu'on puisse y trouver quelconque bravoure, au sens cinématographiquement habituel du terme. Seul personnage relevant malgré soi le niveau moral du film, c'est bien entendu la tueuse, qui disons-le assassine la femme du héros en début de film pour de la thune, ce qui en soit est suffisamment étrange et inhabituel pour créditer le film d'un certain intérêt.

On attend, patiemment, séquence après séquence, la reprise en main des enjeux par le couple de héros (par habitude sans doute), mais cela n'arrive jamais et provoque une certaine frustration côté spectateur, mais surtout c'est cela qui donne ce ton si sombre, si pessimiste, et si intéressant au métrage.

En revanche il faut l'admettre, le film est loin d'être parfait et certains défauts, dont le cinéma hong-kongais est souvent coutumier viennent entacher suffisamment la péloche pour n'en faire qu'un film moyen. Je dirais même que si sa note est assez élevée ici, c'est probablement beaucoup à cause d'un public déjà averti, et converti. Parmi les petits bémols, un jeu d'acteur parfois extrêmement poussifs et outranciers (côté méchants surtout). Un montage parfois douteux où certaines scènes d'une même séquence sont trop visiblement tournées à des intervals différents. Une intrigue mine de rien plutôt insensée, on a l'impression que ce film est vraiment un cauchemar (est-ce vraiment un défaut, notamment considérant ce que j'expliquais au début ? En tout cas, cela peut rebuter c'est évident). Une musique, au delà du fait que cela n'a jamais été un point fort dans le cinéma HK, qui peut paraître parfois inappropriée aux scènes (l'effet est terrible croyez-moi).

Pour le reste, j'ai eu la chance de matter un rip Blu Ray (pardon), et la qualité de la photo du film est très appréciable. Le Hong-Kong 80's urbain, avec ses néons, ajoute une belle ambiance à ce polar. Rien de fou formellement, mais quelques beaux cadres cela dit, et une péloche ma foi très propre pour ce cru HK 88.

On The Run est donc un de ces films, dont le contexte de sa gestation a tout son intérêt, afin d'en apprécier la trame et le style. Sans doute pas le premier polar HK à mettre devant les yeux d'un curieux, mais dont l'intérêt est indéniable au regard de tout ce qui a été produit dans le style pré-retrocession. Pour les amoureux de la Cat 3 anxieuse et pessimiste de cette aire, c'est un tout droit direct.

Gerwin
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Créée

le 3 déc. 2023

Critique lue 27 fois

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