Les deux films précédents de Quantin Tarantino m’ont fait entrevoir une certaine faiblesse naissante dans son cinéma. Django Unchained, bien que divertissant et intriguant, car s’agissant du premier western de Tarantino, semblait accumuler les éléments obligatoires pour un film du réalisateur, le tout au service d’une histoire vraiment simpliste. Les 8 salopards étaient un peu mieux, car on était plongé dans un thriller claustrophobe, enfermé dans un chalet bloqué sous la neige, où les uns se méfient des autres, et où le temps est distendu au maximum. Mais ça rappelait un peu trop son premier long-métrage. Tarantino semble avoir atteint une certaine logique, comme bloqué dans son style ultra référencé qui ne change pas.
Once upon a time in… Hollywood est vraiment ce qui m’a fait comprendre que Tarantino n’est plus qu’un vieux ringard has been qui tourne en rond, à l’image du personnage de Di Caprio dans le film. Avec ce film, il s’enfonce clairement dans l’auto caricature. On retrouve par ci, par là des éléments de la filmographie du réalisateur : une plongée dans l’univers des cascadeurs comme dans Boulevard de la mort, un révisionnisme historique pour amuser la galerie comme dans Inglourious Basterds, un final gore et jouissif, des références au cinéma, aux drive-in, une plongée dans le western, des acteurs vus dans son précédent film qui reviennent, et 32 000 plans pieds. Bref, c’est un condensé de tout ce qu’il a fait, pas étonnant que le film plaise. Tarantino semble avoir fidélisé sa clientèle, et peu importe ce qu’il lui sert, elle rampera derrière pour acheter et aduler.
Tarantino est un cinéaste au style ultra référencé, c’est connu. Il extirpe de ses références des éléments superficiels pour les mettre dans son film en espérant provoquer une émotion par le décalage entre des gimmicks du passé et notre connaissance du cinéma contemporain. Le meilleur exemple est la scène avec Bruce Lee. Aujourd’hui, la gestuelle et les expressions de Bruce Lee font rire. C’est vrai qu’il est un peu ridicule. Tarantino joue bêtement dessus en le faisant faire des grands gestes, muscles bandés et poussant des cris d’hyènes. Donc, c’est ça le génie de Tarantino ? Rigoler des trucs du passé ? Se moquer du côté kitsch des vieux westerns, se moquer des hippies, de Charles Manson et de sa secte. Et je parle bien de moquerie. Encore une fois, le personnage de Bruce Lee n’est qu’un clown qui sert à amuser la galerie.
J’ai l’impression que Tarantino reste enfermé dans sa bulle, dans son fantasme des 60’s tel que vu dans son film. Un fantasme qu’il manipule à sa guise puisqu’il écrit l’histoire en réécrivant l’Histoire. C’est quoi le but de la fin révisionniste, à part faire rigoler la foule en offrant un bref moment de satisfaction par la punition et l’humiliation des hommes de Charles Manson ? Évidemment que c’est drôle, mais c’est vain, on rigole juste de la bonne blague. C’est être incapable de voir au-delà, d’affronter la réalité. C’est la fuir et la modifier par le rire et la dérision. Ça montre bien que Tarantino est complètement cynique. Il est incapable de sortir de son fantasme et de ses délires. D'ailleurs, j'ai vraiment du mal à voir ce que je peux tirer d'autre d'un film de Tarantino qu'une expérience rigolote, jouissive et fun. C'est sympa, mais ce n'est pas quelque chose qui s'inscrit dans la durée en moi. Un film de Tarantino est plutôt un moment fugace de satisfaction.
Là où je le trouve vraiment cynique, c’est que, fut un temps, Tarantino se voulait un poil rebelle alors qu’aujourd’hui, il est devenu une figure grand public lambda. Où est le respect du cinéma bis quand on fait un film hollywoodien produit par un grand studio pour 100 millions de dollars et avec que des stars à l’affiche ? Il vampirise le cinéma bis pour en faire un produit de consommation qui devient ultra conforme au sein de sa filmographie. Il finit par pasticher son cinéma, ne lui rendant plus hommage, mais l’utilisant tout en renvoyant une image ridicule. Je vais faire un petit détour chez Rob Zombie. On sent qu’il aime et qu’il s’appuie sur des films horrifiques bis qui l’ont fasciné. Il en extirpe le meilleur, le modernise et offre un résultat original. Il s’inscrit dans une continuité et la fait évoluer. Tarantino regarde derrière lui, prend, et met dans son histoire pour pasticher et tourner en dérision. Il n’évolue pas, car il est complètement piégé dans son cinéma et ses fantasmes du passé qui l’amusent. Once upon a time in… Hollywood c’est le film de trop, l’auto caricature, le point mort pour Tarantino, à l’image de ses personnages qui errent dans tout ce dont le réalisateur nous a déjà montré par le passé.