Et mon hors sujet, tu l'aimes mon hors sujet ?

Frank Zappa avait un jour déclaré "quand on emmenait nos copines à des concerts des Stones, ont était sûrs de se faire sucer après". Axiome qu'il est amusant de décliner de la sorte : "Quand Godard fait un documentaire fictionnel sur les Stones on est sûrs de se faire chier pendant la projection".


Les Stones était le groupe le plus animal, le plus sexuel de la période, capable d'émoustiller jusqu'au point de non retour les nanas de moustachus calculateurs. Et dire qu'on les a flanqué d'un réalisateur à la cérébralité légendaire. En somme le mariage ciné /rock le plus mal assorti qu'on puisse imaginer (Antonioni avait au moins restitué l'ambiance électrique des concerts des Yardbirds dans Blow up).


Là Jean-Luc a tenté de Godardiser les Stones. Il remplit à 30% sa part du contrat en les filmant sobrement durant l'élaboration de Sympathy for the devil (meilleur et seul fragment important du film). Mais il part sur autre chose après. Et on se demande comment il a pu vendre le projet à Jagger and co ? "Mick'ch, la scène d'après c'est des black panthers qui mettent à mort des blanches dans une décharge, avec la caméra qui tourne, on va dénoncer le Viet Nam et Ford". Les Beatles avaient été approchés d'abord par Godard, ils ont rapidement décliné la propal. Le réalisateur n'a pas su convaincre Lennon de l'intérêt d'une scène concernant l'assassinat de Trotsky. Ringo Star dans le rôle de Ramon Mercader aurait été fun.


Les contorsionnistes de la pensée Godarienne expliqueront que les Stones sont fans transis de blues et donc de musique noire et que du coup bah... les black panthers étaient noirs... Ok ils ne font pas du blues et se réclamaient de Mao, mais ils sont noirs quand même, du coup y a une cohérence. N'es-ce pas... La suite n'est que gros symbolisme au ras des pâquerettes (Eve Democracy ahahah le con ! le con !), inévitable point Godwin en milieu libraire et lèchouille de mai 68 (sous les "Stones" la plage, pondu par des gens qui allaient devenir publicitaires 10 ans plus tard).


One + One = 0


On constate encore une incapacité (ou désintérêt) à filmer un sujet, plus ou moins simple et à s'y tenir. C'est un des problèmes de Godard - même si j'ai bien conscience que pour d'autres c'est ce qui fait la magie de son cinéma. Mais combien de films signés Godard ne semblent tenir sur 2 idées, développées sur 40 minutes maximum, et qui sont gonflés par des scènes sans le moindre rapport afin d'atteindre la durée d'exploitation minimum (le sketch de Raymond Devos dans Pierrot le fou, JP Kalfon qui récite du Lautréamont en jouant du piano dans week-end).


Ce n'est un secret pour aucun observateur, les films de Godard n'étaient pas préparés, et ils étaient branlés vite fait dans la journée par une équipe technique méritante, alors que l'écriture se faisait la nuit à l'arrache par Jean-Luc (et j'ai bien conscience, une nouvelle fois que c'est ce qui fait la magie du cinéma de Godard pour ses fans décidément bien indulgents et même à l'orée de la permissivité, si j'ose dire)


Rien d'étonnant à ce que ce documentaire se casse la gueule très vite, car même le fait de capter les séances de travail du plus grand groupe de rock du monde, planchant sur la plus grande chanson de leur répertoire (même s'il y a débat), peut apparaître comme un exercice plan plan pour le vieux suisse.


Comme il culpabilise probablement d'être mobilisé sur ce projet bling bling, - tout en étant à la fois flatté d'être associé à ces séances, toute la dualité de Godard, vaniteux et honteux de l'être et qui s'efforce donc de tout foirer - JLG va intégrer des séquences qui n'ont pas grand chose à voir avec le groupe londonien ou même le thème de la chanson titre, mais qui sont en revanche nettement dans ses préoccupations du moment : les Black Panthers qui récitent des tracts avec un mouvement de caméra qui aurait ulcéré les critiques si Claude Lelouch en avait été l'auteur - et son autre grande passion, la lecture monocorde de tracts, cf la chinoise, ...)


Soyons sûrs d'une chose, il aurait filmé exactement les mêmes scènes s'il s'était collé à un documentaire sur les Beatles, le water-polo, ou Richard Anthony. Car ce n'est pas un documentaire sur les Stones réalisé par Godard. C'est Godard qui fait un film, avec les Stones dedans, au début. Je pense qu'il ne s'intéressait absolument pas au groupe, qu'il ne représentait rien pour lui, qu'il était incapable de différencier Brian Jones de Claude François et qu'il a vu une occasion - très cynique - d'exploiter la notoriété des Stones pour filmer ses fumeuses séquences personnelles et ainsi propager sa soupe libertaro-maoïste.


La première à Londres a été houleuse comme le raconte l'article posté plus haut, je ne résiste pas au plaisir de retranscrire la chute :


"La première londonienne du film va alors tourner au manifeste punk avant l'heure. Godard demande au public de quitter la salle et de se faire rembourser. Quand les spectateurs le sifflent, il leur lance : « Vous êtes tous des fascistes ! » Avant de frapper son producteur et de se faire expulser du cinéma..."


On se dit qu'il aurait mieux fallu qu'il filme la genèse de Street Fighting man ou qu'il propose un opéra rock sur Mao à Nino Ferrer.

Negreanu
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le 11 août 2020

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