C'est le second long-métrage de Jim Jarmusch que je visionne et j'ai enfin compris quelque chose dans son cinéma.
Jarmusch ne cherche pas à raconter une histoire dans son ensemble, il préfère se focaliser sur des pans bien nets, des moments uniques qui renaissent de mille feux à travers l’œil expérimenté du réalisateur. C'est le cas avec Only Lovers Left Alive, véritable tour de force et accessoirement un des meilleurs films de cette bonne année 2014.
Il est inutile d'analyser avec minutie le scénario, il est quasiment inexistant. Aucun fil conducteur, juste un long voyage en compagnie de deux amoureux, perdus dans des temps qui sont à la fois différents mais similaires. La poésie pessimiste du long-métrage transpire à chaque scène, brassant des sentiments multiples s'avérant souvent être les plus forts chez un être humain : l'envie, la jalousie, l'amour, la haine, la solitude et j'en passe. Regardez donc la scène d'introduction, véritable bijou d'émotion, où se croisent et s'entrecroisent deux êtres attachés mais distants. Only Lovers Left Alive est un paradoxe à lui-même, il ne peut y avoir de bonheur sans malheur et de malheur sans bonheur.
Pendant deux heures, qui passent redoutablement vite, nous sommes bercés dans un univers glacial, où la joie ne semble qu'être une illusion perdue aux tréfonds des cœurs vieux comme le feu. Les quelques compositions lorgnant vers un shoegaze torturé ou un acoustique d'une beauté exceptionnelle (Our Hearts Condemn Us, petite perle) créent une chose indescriptible : un mélange de lassitude vis-à-vis d'autrui (les zombies comme les nomme Adam) mais aussi un sentiment d'abandon total face à des situations aussi dépressives que superbes. La musique est une partie intégrante du long-métrage et semble être, au final, le pied d'argile de l'humanité, à travers le temps et les épreuves.
Only Lovers Left Alive est une ode à l'amour, un amour déchiré, fusionnel, acerbe, violent... Sur un sujet maintes et maintes fois abordé, Jarmusch réussit le (petit) exploit de renouveler un minimum le thème, en insufflant une forte de dose de décadence (orchestré par la sœur aînée d’Ève – les prénoms des deux personnages principaux ne sont d'ailleurs pas anodin) et de noirceur.
Le côté apaisant (sans doute pour souligner l'âge de ces vampires, dits immortels) est palpable à travers une mise en scène toute en sobriété, réservant quelques surprises bien senties, surtout au niveau des plans fixes, d'une très forte intensité. Les acteurs tirent tous leur épingle du jeu, en particulier Tom Hiddleston, phénoménal en être dépressif et égoïste. Un véritable jeu, qui change grandement de son rôle de Loki dans les Marvel.
Un film beau, sans être too-much, qui tire sur la corde sensible tout en gardant les pieds sur terre. Une très agréable surprise qui me donne envie de creuser un peu plus dans la filmographie de Jarmusch !