Je suis sous le charme ; Only Lovers Left Alive m'a ni plus ni moins subjugué, envoûté, et j'en passe, aussi je remercie Jim Jarmusch (que je découvre en même temps que son dernier cru) pour cet ovni cinématographique incroyable.


La mention d'ovni sous-entend naturellement une trame et allure des plus particulières, marque de fabrique du cinéaste semble-t-il, ce qui confirme cette balance des plus tranchées entre avis dithyrambiques (pour peu que celui-ci vous happe en son sein comme ce fut mon cas) et critiques moins élogieuses en la matière (l'ennui peu poindre).


En tous cas, on peut dire que ce film aura redonné au genre du vampire ses lettres de noblesse, le couple central incarné par Adam et Eve s'avérant franchement marquant, et ce en arborant tout un pan d'histoire grisant : le développement mythologique autour de ces derniers peut d'ailleurs paraître prétentieux en tant que tel, les deux immortels ayant influencé auteurs, musiciens et autres scientifiques renommés au fil de leurs pérégrinations séculaires, mais on se prend au jeu, non sans raisons.


En effet, l'impact de ces fameux protagonistes est pour le moins galvanisant, ceux-ci brillant d'une classe folle tandis que l'on s'attache en particulier au ton taciturne et mystérieux d'un Adam mémorable, sans compter que leur idylle bravant les affres du temps et des hommes est superbement traitée ; les prestations respectives de Tom Hiddleston et Tilda Swinton ne sont assurément pas en reste, le premier crevant l'écran (quelle prestance, tout en finesse), la seconde confirmant son statut d'actrice-caméléon.


Pour le reste, le casting est dans son ensemble excellent (John Hurt, Mia Wasikowska et Anton Yelchin) bien qu'au service de figures plus secondaires et moins approfondies, mais chacun y trouve une utilité certaine ; Marlowe concourt notamment au background historique de Only Lovers Left Alive, Ava vient contraster en termes d'aura et d'attitudes avec Adam et Eve, et enfin Ian brille d'une naïveté sympathique redorant de son mieux le blason des "zombies".


Quant à son sujet même, L'intrigue est pour le moins plate, à l'image de péripéties aux abonnés absentes, mais là est l'originalité et la force du long-métrage : celui-ci se distingue de par l'importance de ses buveurs de sang, dont les humeurs et idées composent en grande partie son cheminement, à l'image d'un Adam misanthrope se lassant à petit feu de la vie éternelle, jalonnée en l'espèce de déceptions (humaines).


Le titre du film prend ainsi rapidement tout son sens, Jim Jarmusch et ses formidables interprètes donnant vie à un couple fascinant, tandis que l'ambiance nous ensorcèle avec grande aisance ; le mérite de Only Lovers Left Alive est d'ailleurs de nous captiver avec si peu, dans la mesure où celui-ci arbore un rythme immensément posé et un ton foutrement contemplatif, mais cette composante intimiste fait aussi sa force.


En somme, le caractère atypique du long-métrage fait tout son charme, et on se prend au jeu de cet univers nocturne hypnotique, alors porté par une réalisation de haute volée ; dans la forme celui-ci est en effet ni plus ni moins parfait, fort d'une photographie à tomber, une mise en scène aux petits oignons et consorts (Détroit et Tanger sont d'ailleurs sublimement représentée).


Mais surtout, impossible de ne pas évoquer la BO, tant elle transpire les influences musicales de Jarmusch (lui-même musicien) et imprègne dans son sillage l'ambiance de Only Lovers Left Alive ; dire que le film est envoûtant tient ainsi en grande partie de ce point, les diverses partitions parsemant le film lui conférant cette fameuse atmosphère romantico-mélancolique.


Bref, Only Lovers Left Alive frôle la perfection (aussi bien narrative que matérielle), la bât ne blessant finalement qu'au cours de l'acte final (il tire un peu en longueur), mais le dénouement aussi fataliste que jubilatoire éclipse sans aucune peine cette légère baisse de régime ; grosse sensation que nous offre là Jim Jarmusch en résumé, et quelques quatre jours plus tard j'en suis encore à me tâter quant à sa note... preuve en est de son statut de film étrange comme pas deux.


... c'est sans appel : 10 !

NiERONiMO
10
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le 2 févr. 2015

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NiERONiMO

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