Ah Nolan. Ça faisait un moment que je n'attendais plus grand chose de lui. Je reste mitigé par TDKR, je n'ai jamais été conquis par Interstellar même si je lui reconnais de grandes qualités, je n'ai pas aimé Dunkirk, ni Tenet. Finalement, je me sens partiellement réconcilié avec son cinéma avec Oppenheimer.
C'est dans ces moments-là qu'on fait vite la distinction entre un biopic qui vomit des bouts de pages wikipedia, honteusement revues, et fait croire qu'on vivait un moment historique (coucou Bohemian Rhapsody), et un biopic qui déroule un arc narratif auquel sont greffés des thèmes et sujets historiques propices à donner du grain à moudre au-dit arc narratif et nous fait se rendre compte qu'effectivement, il s'était passé quelque chose d'important.
Ainsi, on ne se contente pas de passer le CV d'Oppenheimer en revue depuis ses premiers faits d'armes (scientifiques) à sa réhabilitation désintéressée en fin de vie, mais on saute dans les timelines et les moments importants en cherchant cette résonance narrative qui fait qu'on regarde un film, une oeuvre d'art pouvant être dotée d'un sens, et pas une énumération sans intérêt des moments essentiels de sa vie.
Ça n'est pas que l'histoire de J. Robert Oppenheimer et des personnes autour de lui qui ont créé la bombe atomique, mais bien plus. Entre autres, c'est aussi l'histoire d'un homme et de son ego, de son pouvoir, de la réalisation qu'il l'a rendu possible, et du fait que s'il veut s'en accaparer les conséquences tel un martyr, il n'est rien moins qu'un spectateur de plus du nouveau monde qu'il a pourtant, irrémédiablement, contribué à créer. Le tout, plutôt centré du point de vue de son protagoniste, pourtant entouré par des milliers de figures qui ont toutes contribué à fonder ce nouveau monde.
Superbe cast, aidé par une production soignée. Une belle partition musicale fait écho aux (sympathiques) "expérimentations" visuelles du film, le tout donnant un sens du gravitas qui, étonnamment, a fonctionné pour moi (dans le sens où le derniers films de Nolan ne m'avaient pas fait le même effet).
Côté rythme en revanche ça souffle le chaud et le froid.
Si ce gravitas dont je parle a été plutôt satisfaisant, on reste embarqués dans un manège interminable et parfois très confus de personnages et dialogues qui jacassent de temps à autres sur le prétendu grand rôle qu'Oppenheimer doit jouer dans le grand ordre des choses, tantôt en tant que génie scientifique, tantôt en tant que figure politique, tantôt pour lui, tantôt contre, pendant que le principal intéressé se contente de traverser tout ça un peu passivement, davantage absorbé par son ubris atomique.
Si ça permet de bien mettre en exergue le caractère complexe et nébuleux de ce personnage, de son entourage et de leur entreprise, le montage type bande-annonce effréné rend parfois l'expérience un peu vaine.
J'aurais apprécié un découpage qui sacrifie quelques informations, passages et personnages, au profit d'une présentation un peu moins effréné, sensationnaliste, et plus sensorielle, cérébrale, d'autant que le film retombe par moments dans ces élans on ne peut plus expérimentaux, du coup l'écart entre les deux peut paraître regrettable à la longue.
Il n'empêche, en étant à ce point... généreux, le film donne bel et bien du grain à moudre. Il est donc difficile de terminer la séance sans avoir envie de cogiter un peu sur ce qu'on vient de regarder et ça, c'est cool (j'aime être concis, parfois).