Quelques mois auparavant, Nicolas Bedos revendiquait l'importance de réaliser un nouvel opus d'OSS 117, à la supposée époque des "on ne peut plus rien dire" et autres diatribes "politiquement correctes". Il témoignait alors, malgré lui, de son incompréhension alarmante des long-métrages de Michel Hazanavicius ; non pas de son protagoniste, mais bien du traitement qui en est fait. Si Hubert est bien évidemment le stéréotype exacerbé du français traditionnaliste moyen, la force d'OSS 117 se situe dans le contraste absurde entre ses valeurs et les situations auxquelles il fait face, et le fait qu'il n'en prend jamais conscience. S'il fait rire, c'est bien grâce à ce décalage burlesque qui tourne en dérision ses opinions. S'il fait réfléchir, c'est parce que le spectateur voit en lui l'image d'un homme dépassé et inconscient de son idiotie. Son dialogue avec Dolorès à propos de la dictature brésilienne, pièce centrale de Rio ne répond plus, en est un parfait symbole.


Que se passe-t-il lorsque Hubert n'est plus caractérisé par l'ignorance de sa propre idiotie ? À cette question, le troisième volet offre une réponse sèche. Quand l'agent 1001 signe une tirade digne de la twittosphère pour dénoncer les attitudes de son collègue, 117 n'apporte aucune réponse. C'est alors que l'esprit d'OSS coule avec Pierre Niney : Hubert n'est plus une caricature. Il devient le porte-étendard de revendications artistiques, celles qui prétendent que l'humour des deux premiers volets ne serait plus toléré de nos jours - alors même que leur critique des mentalités françaises persistantes est en parfaite adéquation avec les mouvements culturels modernes.


Ce point de rupture est hélas symptomatique d'un humour lourd, peu inventif, et qui cherche inlassablement à critiquer des mentalités qui n'ont jamais été la cible des précédents opus. Bedos ouvre ainsi son film sur un tacle puéril et inutile au mouvement #MeToo. Faudra-t-il lui expliquer qu'en mettant en scène l'absurdité des positions mysogynes de Hubert, le deuxième volet de la série dénonçait déjà le climat sexiste des élites françaises, à la manière des mouvements comme #MeToo ? Le réalisateur se trompe donc continuellement de combat, et perd au passage l'essence même de la saga. Cela se manifeste en premier lieu par l'absence de contrepoids crédible face à 117, car là où l'on donnait raison à Larmina et Dolorès par tous les moyens possibles, 1001 est lui discrédité dans ses opinions, en témoigne son ultime scène. Mais la défaite idéologique d'Alerte Rouge en Afrique Noire est aussi et surtout symbolisée par son dernier acte.


Dans les deux premiers volets, les nazis étaient logiquement désignés comme les ennemis faciles, transportant une morale minime et finalement peu contestable. À l'inverse, le troisième fait le choix d'un dénouement partisan, flirtant allègrement avec le post-colonialisme tant l'absence de pointe d'humour et de contrepoids moraux se fait sentir.


Comme si la défaite idéologique ne suffisait pas, le dernier épisode des aventures de OSS 117 perd la bataille de la mise en scène. Les quelques situations bien pensées ne sont que rarement soutenus par la mise en scène de Bedos, bien loin du génie qui caractérisait celle de Michel Hazanavicius. Peu de coupures de rythme et d'idées de cadrage viennent aider un scénario déjà pauvre en humour. Reste l'esthétique globale du film, souvent agréable à l'oeil, pour le sauver sur un plan technique.


Avec Alerte rouge en Afrique Noire, la saga OSS 117 rate le coche d'une époque dont ses créateurs n'ont visiblement par compris les codes. C'était pourtant l'occasion rêvée de montrer que l'esprit des deux premiers films était encore parfaitement adapté aux revendications sociales et culturelles des dix dernières années ; encore faille-t-il les comprendre.

Meyga
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le 6 août 2021

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