Non mais c'était une bonne idée hein

Dans son livre Le quai de Ouistreham, la journaliste Florence Aubenas couche sur papier six mois passés en tant que femme de ménage, une expérience qui devait lui montrer les conditions de travail des agents d’entretien : la galère pour trouver un poste fixe, le salaire de misère, les contraintes de temps et de déplacement, le dédain des patrons et des clients. Un livre fourmillant de détails, extrêmement bien écrit, et nécessaire dans un contexte social comme le nôtre. Emmanuel Carrère l’adapte librement dans le film Ouistreham, sorti ce 12 janvier dans les salles françaises, pour un résultat en demi-teinte.


Le film tombe dans l’écueil de parler de la pénibilité du travail sans réellement la montrer. Les environnements à nettoyer sont toujours propres, comme si mettre en image la saleté immonde décrite par Florence Aubenas restait tabou. En deux heures, seule une phrase évoque la douleur ressentie à la fin de la journée, « des chocs électriques dans les bras qui te réveillent la nuit », sans que cette douleur ne soit davantage décrite ou montrée. A l’inverse, le film se concentre davantage sur les relations entre Florence (renommée Marianne) et toute une palette de personnages très bien écrits et interprétés. Malheureusement, la performance de Juliette Binoche dans le rôle principal est certainement le plus gros point noir du film : son fantôme inamical traverse le film sans daigner nous proposer au moins deux émotions différentes. Sa dernière réplique, rappelant qu’elle n’appartient pas au même monde social que les agents d’entretien avec qui elle a vécu pendant six mois, achève de nous faire détester le personnage.


Relevons malgré tout l’importance de ce genre de film dans le cinéma social français actuel, qui préfère parler de cadres ou de patrons, de la petite bourgeoisie parisienne et de ses soucis déconnectés des nôtres. Si vous aimez ce genre de film, foncez voir Un endroit comme un autre : Uberto Pasolini y raconte l’histoire d’un père célibataire laveur de carreaux condamné par une maladie grave, qui se débat pour faire adopter son fils.

Notchka
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le 7 févr. 2022

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