Deux ans après le succès de l’excellente adaptation libre de la lutte contre Al Capone Les Incorruptibles, Brian De Palma, réalisateur et auteur à talent des années 80 et 90, décide de s’attaquer au genre du cinéma de guerre en adaptant le roman éponyme de Daniel Lang Casualties of War mais aussi de plusieurs incidents pendant la guerre du Vietnam (une vaste et barbare histoire), l’idée étant de relater les supplices et abus subis par les civils vietnamiens par les soldats américains pendant la guerre entre 1965 et 1975.


Une première pour De Palma, mais pas pour ce qui est de porter à l’écran une célèbre partie sombre de l’histoire des USA et du Vietnam avec ce conflit. Nombre de film ayant vu le jour comme l’excellente trilogie du Vietnam d’Oliver Stone, Full Metal Jacket de Stanley Kubrick, ou encore Voyage au bout de l’enfer et Apocalypse Now qui sont parmi les plus connus et les plus cités. Subjectivement, les films qui m’atteignent le plus sur le Vietnam ne sont pas ceux qui traitent globalement du sujet mais qui se focalise de manière plus intimiste sur le sujet et sur un ou deux personnages en particulier que tout un groupe, comme dans le cas de Outrages, ou sur un personnage central comme par exemple Né un 4 Juillet ou Entre Ciel et Terre, le premier se centrant sur l’ancien Soldat Ron Kovic et le second sur une civile Vietnamienne qui deviendra une victime de la guerre et de sa propre patrie.


Mais ici Place à une affaire d’abus sexuel, de séquestration et d’assassinat avec l’éternel barbarie sans cesse rappelé dans un film autour du Vietnam, ce n’est pas ici qu’une exception sera faite.


De Palma laisse de côté ses plan-séquences (à 2/3 exceptions sans que ça ne soit tape à l’oeil) ainsi que ses split-screen habituel pour nous faire un compte rendu alarmant des soldats américains sur le terrain à l’image du personnage de Tony Meserve. Un sergent aux premiers abords sympathiques à l’image de son amitié avec le caporal Brown, mais dont la vision du monde se révélera vite perverti et réducteur, entre américains et Viêt-Cong. Cette vision simplifié à l’extrême et radical du personnage se transmet à travers sa patrouille fidèle au doigt et à l’œil : à l’image de Hatcher aveuglément dévoué et tout aussi violent sur le sergent, de Clark qui ne vaut pas mieux qu’eux et même de Diaz qui, par lâcheté, se soumet aux désirs de son supérieur. Sean Penn étant, en plus de ça, brillant dans sa performance tant il est flippant et malsain dans ce rôle. Il faut aussi prendre en compte les premiers rôles de John Leguizamo et de John C Reilly


L’empathie du spectateur se créera (rapidement) avec le personnage de Sven Eriksson, interprété par un Michael J. Fox incroyablement juste (et qui mériterait d’être plus cité ici en dehors de son éternel rôle de Marty dans la trilogie de Retour vers le futur). Un jeune bleu nouvellement arrivé avec qui on éprouve un vrai gros capital sympathie face aux actes de l’équipe à l’égard de la vietnamienne kidnappée. Si les mauvaises langues voudront parler de manichéisme à ce moment là, il est nécessaire de rappeler qu’ayant passé moins de temps sur le terrain, Sven est bien loin d’être atteint par la crise de la guerre et attise davantage l’intérêt par le fait que son supérieur est la même personne qui lui a sauvé la vie bien plus tôt, cette même personne qui relâche toute sa violence et abuse sexuellement une Vietnamienne par soif de revanche et guide son équipe dans ses actions, et qui auparavant n’était probablement pas altéré par le quotidien du conflit dans lequel de nombreux autres militaires américains était mêlés. Tout cela ne fait que renforcer notre empathie pour Sven.


On retrouve le thème de la femme victime et bien sur du face à face dans le cinéma de De Palma, que ça soit des jumeaux dans Sœurs de sang ou ici deux soldats américains avec une vision totalement opposé sur le conflit, l’un ayant les idées clairs cherchant à rester intègre et juste, et l’autre ayant pratiquement perdu une partie de sa raison et de sa bonne conscience et se proclame juge sur les habitants du Vietnam. Des thèmes qu’il mettait très bien en valeur durant sa meilleure période et exploitait comme il faut dans la plupart de ses films. C’est le cas ici avec le duel des idéologies entre Sven et Meserve qui mènera inévitablement au drame


et à la mort tragique et émotionnellement puissante de Tran Thi Oanh après avoir subi humiliation sur humiliation et sous le regard d’un Sven impuissant et inférieur qui se frottera également à la passivité de ses supérieurs jugeant qu’on ne peut donner suite à l’affaire.


Ses thèmes sont mis en rapport d'une manière très pertinente sur l'état alarmant et scandaleux des soldats, que ça soit grâce au face à face des deux personnages ou le simple fait que ces faits ont réellement eu lieu et que toute édulcoration a été écarté pour la rendre la plus réaliste possible..


La force de l’image est mise au service du film, pas forcément dans la subtilité et de manière très viscéral, cela dit dans les faits ça fonctionne et ça s'assume comme tel, surtout lors des combats et des tortures subit par la prisonnière. Même lors du peu de conflit dont on peut témoigner dans le film ou De Palma n’exagère jamais avec les mouvements (comme il a un peu tendance à le faire avec certains films comme Snakes Eyes bien que très sympathique) et laisse l’image parler d’elle-même, image renforcé par une photo malpropre et un décor qui reste sale et pâteux au sein de la jungle Vietnamienne, ainsi que plusieurs plans flatteur pour nos pupilles.


Et une partition encore une fois superbe d’Ennio Morricone de nouveau engagé aux côtés du réalisateur de L’impasse après Les Incorruptibles. Le thème principal renforce indéniablement la puissance de ces faits horrifiques et la quête de moral de Sven, notamment lors de l’arrivée des chœurs rendant que plus puissante cette mise en image. Personnellement cette musique m'émue toujours.


Si Outrages ne fait pas partie de la liste des films de De Palma qui seront pleinement apprécié des cinéphiles et du public que bien après leur sortie, ce film échoue néanmoins financièrement mais sera heureusement reconnue comme l’un de ses meilleurs films (en tout cas bien meilleur que Redacted, plus une repompe qu’une continuité à ce film).
Alors qu’aujourd’hui Brian De Palma accumule les échecs critique et commercial ainsi que la perte d’inspiration (Le Dahlia Noir décevant sur plusieurs points, Passion étant une tentative mal mené de renouer avec la froideur de ses anciens films ou encore Femme Fatale jamais prenant et jamais séduisant), Outrages reste un des films phares dans la filmographie de De Palma tant par la brutalité de ce conflit sans cesse rappeler que la face du conflit qu’il traite.
Sans contexte l’un des plus pertinents autour de la guerre du Vietnam, et également le film de Brian De Palma qui m'a le plus atteint (juste après L'impasse) !

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