Il est des films qui sont comme de sombres conflagrations au sein d'un paysage morne et mort, des éclairs sourds dans des cieux faussement paisibles et bleus... des films estafilades, brusque coup de rasoir presque inaperçu, caresse brûlante plus que blessure, qu'on remarque à peine tout d'abord, mais par laquelle coulera doucement le sang, et qui laissera une cicatrice indélébile.

Des films discrets et définitifs, après lesquels le cinéma, si les choses ici bas étaient sérieuses, ne devrait plus être jamais le même. Un foyer qui brule tout ce qui a pu exister auparavant, et d'où un jour quelque chose d'autre pourra renaître. Ou pas.

Frottements, bruissements, plaintes et gémissements. Lenteurs, presque évanouissements. C'est que nous marchons au bord du gouffre, un pas de trop, un regard de coté, et nous tomberons, pour toujours. Des brumes, encore. Partout. L'étourdissement !

Et en fin de compte (en fin de conte ?) il ne s'agit même plus de mettre en sons et en images la terrible odyssée de Raskolnikov, ni d'adapter Dostoievski : chaque page arrachée au néant de l'oubli, ce mol oreiller des humains, qui leur permet de vivre et les tue en même temps, semble tomber doucement du ciel d'un autre siècle, d'un siècle d'avant l'invention du cinéma... ces images tremblées nous viennent de cet en deçà là, ultime lumière d'une étoile morte depuis longtemps.
Chaiev
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le 14 nov. 2010

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