감기 / Gamegi (Sung-su Kim, Corée du Sud, 2013, 2h)

Deux petites frappes de Bundang, une ville de banlieue située à 15 klm de Séoul, sont chargées de récupérer du matériel de contrefaçons dans un container en provenance de Chine. Ô surprise, lorsqu’ils ouvrent ce qui devait être un équivalent à la caverne d’Ali Baba, ils se retrouvent face à des dizaines de cadavres fermentés, baignant dans leurs sangs et leurs excréments.


Sauf que dans le tas il y a un survivant, qui contamine bien entendu l’un des deux frangins, qui n’y prête pas attention. Prit d’une quinte de toux il se rend dans une pharmacie, où il ne respecta absolument pas les consignes d’hygiènes, comme tousser dans son coude, ou au minimum détourner la tête. Non, il projette ses miasmes sur à peu près toutes les personnes présentes.


Lorsqu’il commence à cracher du sang, son frère décide de l’amener à l’hôpital. Prit en charge par le personnel de santé en présence, ces derniers ignorent de quel mal il peut bien être atteint. Ça ressemble à un mauvais rhume, en plus violent, avec des liaisons cutanées apparaissant sur son corps. Mais le plus étrange est la vitesse à laquelle se développe le virus inconnu.


‘’Gamegi’’ se présente comme un film de contamination des plus classiques, avec une épidémie qui se propage à vitesse grand V. Le récit ne traine pas et rapidement les premières victimes envahissent des hôpitaux submergés par le flux constant des nouveaux souffrants. Entrent alors en jeu des autorités complétement à la ramasse, refusant de prendre aux sérieux les avertissement d’un médecin ayant l’affront d’évoquer une mise en quarantaine de la ville.


L’attitude dangereuse des représentants politiques, réfléchissant en terme d’électoralisme. Pour eux il s’agit de Science-Fiction, et ils perdent de précieuses minutes à débattre sur oui ou non il est nécessaire d’isoler la ville. Cela révèle en réalité un malaise bien plus profond : la société n’est pas du tout préparée à faire face à des épidémies d’aucunes sortes.


Mais heureusement, bien que tragiquement, un carambolage spectaculaire entraine l’explosion d’une station-service, juste sous leurs fenêtres. Une catastrophe qui fait réaliser le sérieux de la situation à une élite politique qui reste fidèle à son rang, en faisant preuve d’une dramatique incompétence.
Le sénateur du secteur, prenant tous les avertissements à la légère, est un jeune loup pédant et arrogant, qui pour gérer la crise met en place la loi martiale. En toute brutalité les habitants de Bundang sont parqués comme des animaux au même endroit. Excellente idée que de mélanger les personnes saines avec les infectés. Placés dans une situation humiliante, ils doivent se dévêtir et faire la queue pour être testés. Rapidement, c’est toute trace d’humanité qui se fait la malle.
Par une gestion de temps de guerre, le gouvernement justifie l’usage d’une force extrêmement violente, par des soldats n’hésitant pas à faire preuve d’intimidation, tout guns dehors, pour ‘’mater’’ des citoyens simplement paniqués, par une situation dont personnes n’est capable d’expliquer clairement de quoi il en retourne.


‘’Flu’’ pour son exploitation américaine, ‘’Pandémie’’ en France, ‘’Gamgi’’ signifie en fait ‘’Rhume’’. Il est vrai que pour un film sur une pandémie meurtrière, ça peut sembler un peu désuet comme titre. Mais la pertinence est pourtant d’envergure, puisque tout le métrage est construit autour de l’idée qu’une maladie est forcément perçu comme bégnine. Donc prise à la légère. L’insolente de l’institution politique, à travers les portraits peu reluisants du sénateur et du Premier ministre (un vieux qui ne pense qu’à son électorat et à l’image de son partie), sous-entend la déconnexion d’élites incapables de prendre au sérieux un scénario pourtant catastrophe.


SURPRISE, l’être humain est un organisme vivant, vulnérable à certains micro-organismes, vivants eux aussi, et pas nécessairement répertoriés. Il faut dire qu’avec l’exploitation des ressources en Sibérie, et la fonte de la toundra, quand un supervirus se réveillera, on va se marrer. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’attitude des gouvernements un peu partout dans le monde depuis la crise du Coronavirus débutée en novembre 2019. La réaction de certaines administrations est terrifiante, proche du scénario catastrophe de ‘’Gamegie’’.


Bien heureusement cela reste une fiction, un divertissement jouant à fond la carte de l’extrapolation, accumulant situations over the top et une intrigue qui monte cran par cran. Le métrage présente différentes facettes de la gestion de la crise, en prenant comme protagoniste un secouriste et une scientifique, liés par la fille de cette dernière. Profondément humains, une véritable empathie est créée, en opposition avec les séquences mettant en scène les politiciens. Pourritures stéréotypés détestables, aux réactions malheureusement assez réalistes.


Œuvre riche au tempo haletant, ça ne s’arrête absolument jamais. Lorsqu’une situation semble s’améliorer, elle finit par se désagréger de plus belle. À l’instar d’une population humiliée, parquée comme du bétail, rappelant de sinistre mémoire d’autres images de notre histoire pas si lointaine. Victimes de l’impunité d’une violence militaire gratuite, cela donne lieu à des scènes de révolte absolument démentes, qui dérivent en émeute.


La situation est certes exagérée, culminant lors d’une séquence à l’apothéose terrifiante, des plus choquante. Alors que face au virus les temps devraient être à la solidarité et à l’entraide, c’est pourtant à une déshumanisation complète que l’on assiste. Avec des autorités ne sachant comment gérer la crise sanitaire, dont les agissements frôlent le crime contre l’humanité.


En réalité personne ne contrôle quoi que ce soit. La chaine de commande est complétement viciée. Enfermés dans leur salle de réunion de crise les politiciens regardent, impuissants, la situation se déliter. L’armée, en première ligne, galère comme pas permit pour faire respect l’ordre et le calme. La population non infectée souhaite légitimement être évacuée comme il leur a été promis, sauf que personne n’a autorité pour les laisser sortir.


Face à l’absence de vaccin, les malades sont entassés les uns sur les autres, dans l’attente de mourir, dans un cadre n’ayant rien à envier à l’Apocalyptse. Quant aux autorités, elles n’essayent même plus de faire semblant de contrôler quoi que ce soit. Ce qui débouche sur une anarchie sans nom, illustrant à la perfection à quel point une société ‘’démocratique’’ peut imploser face aux plus minuscules des organismes.


Le film débute avec le panneau suivant : ‘’ceci n’est pas inspiré de faits réels’’. Sans doute une crainte que quelques spectateur.rices impressionnables pourraient penser que c’est ce qu’il se passerait en cas de vraie pandémie. Il est alors intéressant de noter que lors de la crise du Coronavirus, de nombreuses plateformes de streaming ont retirées des productions traitantes de virus de leurs propositions.


Pourtant, ce type de métrages permet de prendre conscience de la facilité ave laquelle un virus se repend. Tousser bêtement sans mettre sa main devant sa bouche, peu importe la gravité de la maladie, même un petit rhume, c’est un geste des plus irresponsables, mettant en danger les plus vulnérables. Il est important que chaque année la grippe saisonnière fait jusqu’à 650 000 victimes. Parce qu’un connard ne s’est pas lavé les mains ou qu’un inconscient a toussé en plein air dans un espace confiné. La propagation d’un virus en va ainsi de l’irresponsabilité de chacun.


Ce que met en exergue l’œuvre de Sung-su Kim c’est que nous sommes tous de potentielles victimes. Et nos sociétés, dictée par la production à outrance et une quête de croissance aberrante, soutenues par des politiques ne représentants plus le people, préférent faire le jeu des puissants. Du fait, lorsqu’un virus émerge subitement, et bien il n’y a pas de réponses efficaces, puisque protéger le peuple n’est plus une priorité. Contrairement à la sauvegarde des intérêts économiques.


Cela entraine des prises de décision, où un manque de prise de décision justement, totalement hallucinantes, mettant en péril, sans aucune vergogne, des centaines de milliers de citoyens. N’ayant absolument rien demandé, et soudainement traités comme les pires des vermines. ‘’Gamegie’’ prend également le temps de mettre un petit taquet à l’ingérence américaine, par le biais de Mr Snyder, un individu mystérieux, glaçant, calculateur et totalement dénué d’humanité. Extérieur au gouvernement coréen, il prend néanmoins à son compte des décisions qui outrepassent les pouvoirs présidentiels. Pour, selon ses dires, protéger le monde. Mais c’est plutôt ses intérêts qui l’inquiète, selon ses actions. L’intérêt économique devient dès lors une valeur bien plus précieuse qu’un indice humain remplaçable, et donc périssable.


L’attitude criminelle de la classe dirigeante éclate ainsi au grand jour, comme la bêtise humaine et la négation même de sa nature. Illustrant les danger d’une idéologie capitaliste légitimement discutable. Se mouvant en annexe des nations souveraines, avec une emprise sur tout l’appareil politique, qui se traduit par des prises de décisions meurtrières et délictuelles.


Le film s’enfonce profondément dans des réflexions qui présente une société sclérosée en pleine déliquescence, par le biais d’un pragmatisme extrapolé du réalisme. Sous couvert d’un spectacle explosif, palpitant et passionnant, qui interroge plus qu’il ne condamne, tout en pointant habilement par un exposé féroce, une triste réalité alternative.


Dans sa conception cinématographique, le métrage répond à des codifications et autres conventions, utilisées allégrement, frôlant à plusieurs reprises le cliché. Mais c’est là l’une des caractéristiques, et une force, du Cinéma coréen, c’est qu’il est capable d’exagérer des situations à outrance, afin d’appuyer avec plus de pertinence le cœur même de son propos.


Une vision globale portée par le personnage de Kang Ji-Koo, un secouriste mettant sans cesse sa vie en péril, par un sens aigu de l’abnégation. Donnant à l’une des facettes au métrage un visage terriblement humain, dégagé de tout cynisme. Par la représentation d’un homme du peuple, avec ses qualités et ses défauts, mais fort d’une humanité inaltérable.


Œuvre riche, passionnante, foisonnante et intelligente, qui secoue en prenant sans cesse l’audience à parti, pour la confrontant aux atrocités du récit. Un métrage comme seule la péninsule du Matin Calme en a le secret, alliant humour, action, drame, horreur et réflexion, en exploitant toutes ses idées à fond, par une aisance dont ne rivalise que la virtuosité. Sans jamais tomber dans le piège du blockbuster de comptoir sans audace, dégoulinant d’une humanité fantasmée qui a depuis longtemps cessée de l’être.


-Stork._

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le 24 mars 2020

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