La guerre des roses sans épines

Dans le paysage actuel de la comédie Française, peu de comédies récentes font preuve d’ambition dans leurs réalisations ou leurs traitements. Et, quand enfin des films osent tâter des terrains particuliers et osent aller jusqu’au bout, le public n’est souvent pas très chaud. En témoignent l’an dernier du triomphe du très gentillet et aseptisé « Qu’Est-Ce Qu’On A Fait Au Bon Dieu ? » face au très mordant et jouissif « Crocodile Du Botswanga » qui n’a remporté qu’un succès très relatif… Bref je m’égare.

Ce qui parait intéressant devant « Papa Ou Maman ? », en plus de son histoire prometteuse, c’est le duo De La Patellière/Delaporte au scénario. Ayant découvert « Le Prénom » très tardivement, j’avais été vraiment surpris de la qualité d’écriture, faisant la part belle aux vannes extrêmement vachardes et rentre-dedans sans jamais faiblir.
A l’histoire de base + le duo au scénario, s’ajoutent les très bons Marina Foïs et Laurent Lafitte, dont le talent n’est plus à prouver. Serons-nous face à une comédie qui va enfin assumer son sujet et y aller à fond dans le mauvais esprit et l’humour acide ?

Ma foi… Presque

Déjà, un bon point est à noter : le scénario évite quelques clichés de mise en place. Ici, les parents divorcés ne correspondent pas à l’énième cliché du « on s’évite froidement parce qu’on ne s’aime plus ». Ici, ce sont juste des « bons amis » qui ne ressentent plus rien de fort l’un envers l’autre et qui décident de ne pas s’imposer l’un l’autre. Les deux veulent divorcer sans faire d’histoire… Mais sans en avoir encore parlé au petit surdoué méprisant, à la préadolescente caractérielle et au grand dadais qui leurs servent de gosses. De grandes opportunités de carrière s’offrent respectivement à eux. Question : Qui qui va s’y coller pour garder le trio ?

Un premier constat : le film prend un temps dingue à démarrer. Même si cela permet d’introduire plutôt correctement les personnages et de clairement faire comprendre leurs mentalités et motivations, le film finit par beaucoup trop trainer et lancer son sujet. Le risque principal se trouve alors que le film expose petit à petit ses éléments, clichés ou non, et où le spectateur n’attend qu’une chose : que ça explose et parte en vrille de la façon la plus jouissive possible !

La deuxième partie commence donc au bout de presque 35 minutes de film (oui, c’est long…), et alors là… Faut avouer que le rythme du film décolle et propose de sacrés moments. Les scénaristes se font plaisir et nous aussi.
J’entends déjà de mauvaises critiques parler de l’amoralité du film et des conséquences infectes sur les pauvres gosses qui subissent corvées sur merdes pour ne plus supporter leurs vieux… Mais en même temps c’était le but ! Le film assume son job, et là aussi ça fait du bien.

Je ne dis pas qu’il faut maltraiter les gosses, même si ils jouent les emmerdeurs. Mais enfin un film qui n’hésite pas, qui ne prend pas de gants à montrer des parents restés ados irresponsables dans leurs têtes et qui rivalisent d’ingéniosité sournoise à malmener ses stéréotypes ambulants que sont les enfants de ce film. Même si ces derniers ne sont pas insupportables, leurs personnalités puent le « déjà-vu » dans d’autres films où ils arrivent presque toujours à s’en sortir. A ce titre, indirectement, le film sert de sacré défouloir et, bordel, que c’est bon. Je suis même sûr que ce film serait presque le fantasme de beaucoup de parents divorcés concernant la garde partagée. Les acteurs aussi se lâchent complétement (on le sent d’ailleurs, au début du film, que le personnage de Foïs ne demande que d’éclater pour de bon) et y prennent un plaisir réellement visible et complice, ce qui est encore une fois vraiment prenant.

Malheureusement, ô grand malheureusement, tout ce joyeux cirque acide se retrouve bientôt interrompu par la malédiction du « 3ème acte de comédie Française classique ». Acte dans lequel les auteurs, par l’intermédiaire de leurs personnages, semblent se dire « Bon putain, on a vraiment bien déconné, c’était cool… Mais là faudrait peut-être ranger la chambre, non ? Sinon on va encore nous emmerder »… Bordel, c’est déjà fini, dommage… La fin, sans être mauvaise du tout, est tellement sage et convenue qu’elle diluerait presque toute la verve mordante du 2ème acte. Se contentant juste de se terminer sur une note gentillette qui la rapproche de toutes les autres comédies traditionnelles…
Bon, certes, on en a eu pour notre argent et divertissement avec le 2ème acte vraiment déchainé. Mais est-ce que c’est si dur à concevoir que, des fois, une comédie n’a pas besoin de morale ? Que le mauvais esprit qui l’anime, pour rester efficace, doit poursuivre tranquillement sa route sans être interrompu par les frasques du politiquement correct ? Visiblement, un peu…

Concernant la réalisation, pas grand-chose à noter. Efficace et bien montée sans être extraordinaire. Comme il s’agit d’un premier film, on sent quand même que le réalisateur cherche à se faire de petits plaisirs ponctuels, même si ce n’est pas toujours justifié. En témoigne le plan séquence d’ouverture du film qui, même si très bien foutu et travaillé, n’a aucune justification… Mais bon, au moins ça passe bien.

En conclusion, faut admettre qu’un film d’1h25 avec juste 35 minutes (bon allez, 40) de réelle comédie vacharde… Ben c’est cool, mais pas assez. Un peu comme les interminables files d’attentes menant à la montagne russe bien sympa… Mais qui ne dure que 5 ou 10min puis se conclue sur les wagons revenant tout doucement vers la sortie du parcours. C’est bien fun et plutôt rafraichissant. Mais le rythme est inégal, et le politiquement correct empêche une nouvelle fois une comédie bien sympa de devenir un sommet d’irrévérence.