Parade
7.1
Parade

Film de Isao Yukisada (2010)

Bon, tous ceux qui pensent que ce qui plombe les films français, c'est cette sale habitude d'aller poser sa caméra chez des désœuvrés qui s'ennuient (bourges sans passé ou prolos sans avenir), devraient aller voir Parade** juste pour se rendre compte que la réalité est bien pire : le sujet n'y est pour rien, car quand il est traité avec talent, ça donne un film intelligent, vivifiant et réjouissant.

Le point de départ tiendrait sur un ticket de métro (pardon ? ah c'est total démodé d'aller à la Femis en métro, c'est vélib ou rien ? ok, ok) : quatre jeunes tokyoïtes (un flemmard, une fantasque, une romantique, un winner) voient débarquer dans leur colloc un jeune marginal (oui, ben c'est comme ça qu'on l'appellerait dans les films français... traduisez : un teenager blond platine faisant le tapin), ange exterminateur malgré lui.
Sans effets de manche (ni petits mouchoirs), sans misérabilisme, sans pathos (au contraire, le film est traversé de part en part par une fantaisie très bien maitrisée), Yukisada plonge dans le quotidien de ses cinq personnages, et grâce à un dispositif aussi simple que malin (en gros, le film est découpé en 4 chapitres, centré chacun sur un des 4 collocs, dont on découvre petit à petit la face cachée), il construit un cube filmique qui, l'air de rien, traite en sous-main le malaise grandissant des post-ados japonais.

Moins artistiquement achevé que les grands films de ses ainés (Kurosawa et Kore Eda en tête), souffrant à mon avis d'une fin beaucoup trop polémique pour être expédiée ainsi en 5 minutes, il n'en reste pas moins que Parade réussit la difficile gageure de la chronique : subtil et varié, il attrape dans ses filets l'une des choses les plus volatiles et insaisissables qu'il soit : l'air du temps.

(**Ah mais non, suis-je bête, comment aller le voir, puisque le Japon n'étant plus du tout à l'ordre du jour, aucun distributeur français ne semble désormais intéressé par ce qui se passe du coté de l'Archipel, mis à part l'éternel Kitano.)
Chaiev
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le 28 nov. 2010

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