[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]


Unsane ressemble pour moi à Jusqu'à la garde (2017). Dans Jusqu'à la garde, le thème des violences conjugales, lourd d'actualité, m'avait empêché d'apprécier le film en tant que thriller, de le regarder comme un divertissement qui me procure des frissons, des sensations. Le projet d'Unsane est le même : un thriller angoissant qui prend pour prétexte le harcèlement. Mais Unsane va plus loin, et la séance a été un très mauvais moment pour moi. Le harcèlement est en effet déréalisé : ce phénomène d'ordinaire invisibilisé qui malheureusement existe bien et touche beaucoup de monde, devient ici un cas totalement exceptionnel, où le harceleur (Joshua Leonard) n'est pas « seulement » un harceleur mais également une sorte de psychopathe omnipotent. La scène avec Matt Damon qui donne des consignes totalement démesurées renforce d'autant cette impression... De plus, la réalisation se contente de le tourner en ridicule, mais ne le condamne guère, et au lieu de prendre le parti de l'héroïne Sawyer Valentini (Claire Foy), lui fait porter une bonne part de culpabilité (le prologue et l'épilogue la dépeignent comme très peu aimable, cautionnant le discours du harceleur qui critiquait cette vie et lui en proposait une autre ; et le titre essentialise son traumatisme en une sorte de maladie qui lui serait désormais intrinsèque). Quant aux concessions que fait Swayer dans la cellule d'isolement (« tu n'es pas si pire finalement, c'est rare les hommes qui se souviennent de ce que je mange au petit-déjeuner »), je suis obligé de supposer pour ne pas être écœuré qu'elles ne sont qu'un stratagème pour l'amadouer...


Mais comme ce qui, au départ, m'a décidé à voir Unsane, est la mise en avant (fait rare) des scénaristes Jonathan Bernstein et James Greer sur l'affiche, parlons de scénario. (Je laisse à d'autres les commentaires sur la réalisation, il y a beaucoup à dire sur les recherches de cadrage tirant profit de l'iPhone.) Même en oubliant le sujet, j'ai été déçu.
Je trouve le prologue assez dans sa façon d'exposer le contexte au travers de conversations (« allô, mon travail consiste en etc. »).
Le doute sur la sanité de Sawyer existe un temps, puis disparaît complètement : trop court pour pouvoir m'intéresser, trop long pour ne pas me laisser l'impression d'avoir tardé à choisir quelle est l'histoire racontée.
Par ailleurs, qu'est-ce c'est que le stratagème de Sawyer pour s'échapper ? Persuader le harceleur de violer une autre patiente (Juno Temple) sous ses yeux afin de subtiliser à celle-ci un objet métallique tranchant (l'autre patiente meurt, tant pis) ? Pourquoi ne pas plutôt accepter la proposition de quitter l'endroit avec son harceleur et tenter une évasion ensuite ?...
Mais surtout, surtout, surtout, qu'est-ce que c'est que ce harceleur ? Le fils caché de Superman et Hannibal Lecter ? Bien que totalement déconnecté de la réalité quand il parle à Sawyer, il réussit à se faire embaucher comme personnel de la clinique (avait-il deviné qu'elle consulterait là et y serait retenue contre son gré ? a-t-il déposé son CV immédiatement après son admission ?), avec une fausse identité dont personne ne doute - particulièrement impressionnant sur le marché du travail contemporain. Ensuite, tout en travaillant jour et nuit (on le félicite pour cela), il tue, sans éveiller de soupçons avant longtemps, un patient, la mère de Sawyer, et un troisième larron ? À peine recruté, il parvient à changer les médicaments distribués aux patient-e-s et à débrancher les caméras de surveillance ? Plus anecdotique pour finir, mais non moins invraisemblable : il course Sawyer sans qu'elle le voie ni ne l'entende, et de même ouvre une grosse porte métallique et traverse plusieurs dizaines de mètres en terrain découvert pour l'assommer par surprise...


Bonus J'ai pensé pendant la séance à une scène de la pièce La réunification des deux Corées (2013), de Joël Pommerat, qu'on m'a fait lire il y a quelque temps, à la thématique proche et que je trouve au contraire très habilement écrite. Un personnage féminin soupçonne un personnage masculin (son patron, je crois) de l'avoir droguée et violée pendant son sommeil. Il nie mais elle insiste, faisant de plus en plus de concessions ; à la fin, elle sous-entend même lourdement que ça l'exciterait que ce soit vrai... Ainsi, la scène est de plus en plus malsaine ; mais au bout d'un moment naît la possibilité, qui la rend à la fois recevable et intéressante, que le personnage féminin essaie de manipuler le personnage masculin pour le pousser à un aveu qu'elle est peut-être prête à enregistrer.

Rometach
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le 27 juil. 2018

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