Pouvions-nous espérer un plus beau candidat a la palme d’or que Bong Joon Ho ? Après des années boudé par le festival, avant d’entrer en sélection officielle avec Okja en 2017 et le ««« chaleureux »»» accueil dont il a bénéficié, voila que le réalisateur semble prendre sa revanche sur celui-ci dans une forme de quasi consensus pour l’un de ses meilleurs films j’ai nommé Parasite.


Le film met en scène une famille de marginaux, ostracisés par leur condition sociale, et qui, par une occasion du fils de travailler pour une famille aisée, va progressivement venir « parasiter » celle-ci en venant chacun leur tour se mettre à son service.
Ce qui frappe en premier lieu est la mise en scène, grandiose, notamment dans l’opposition entre ces deux familles, d’un point de vue géographique tout d’abord avec un décalage entre la « base et le sommet » , la famille Ki-Taek se trouve littéralement au plus bas au fond d’une petite ruelle dont l’habitation est souterraine à l’inverse de la famille Park qui, elle, se trouve au sommet, les protagonistes devant sans cesse alterner entre ascension et descente créant une véritable dichotomie entre les deux milieux, ce qui se ressent aussi dans la manière de les filmer : la maison des Ki-Taek est étouffante étriquée coupée du monde (ce qui est très justement mis en scène avec la scène d’ouverture avec tout le délire de la fenêtre sur le monde et internet coupé) et tout est filmé en gros plan comme pour faire ressentir la sensation d’etouffement qui pèse sur les personnages. A contrario la résidence de la famille Park a globalement le droit à des cadres plus larges laissant respirer et vivre les personnages. Et c’est dans cette géographie opposée, voire même antagoniste que se construit l’histoire du film.
L’autre grande force de celui-ci est le mélange des genres réussissant à mélanger tout au long du récit le drame social, le thriller, la comédie, etc. tout en réussissant à garder un certain équilibre pour un propos qui garde un fond assez grave. Car ce que dépeint le film c’est la lutte d’une famille pour sa survie, même si cela implique d’ecraser d’autres personnes qui sont autant dans le besoin, pour le compte d’une élite qui, en plus d’exprimer un certain manque de considération voire du dédain et du mépris pour les classes inférieures, n’a que faire de ces luttes qui ne la concerne pas et qui, dans le fond, va complètement à son avantage. Cela transpire notamment au milieu du film, certainement le meilleur passage, où se joue une véritable lutte entre ceux qui ont tout perdu et ceux qui souhaitent garder ce qu’ils ont gagné, le tout sous les pieds de la famille Park qui ne se rend compte de rien, préférant vaquer à ses occupations triviales. Et la fin vient éclater cette réalité à la face du monde dans une scène aussi incroyable qu’imprevisible, et l’histoire trouve son terme dans une conclusion oscillant entre cynisme et espoir.
Avec cela le film se dote aussi d’un certain nombre de symbolismes comme avec la pierre symbolisant la chance et la providence avant de prendre pour son grade tout au long du récit, comme pour dire qu’il vaut mieux ne compter que sur l’homme au risque de voir la chose se retourner contre soi (dans le délire le plus marxiste), la lumière servant de seul moyen de communication pour une population qui semble étouffer tout en hurlant son désespoir, ou encore le joli pied de nez à ce que l’on pourrait qualifier de « branlette intellectuelle» avec la fameuse phrase « c’est très métaphorique » servant à qualifier tout et n’importe quoi (peut être un petit pique pour les festivaliers cannois ?).
Ainsi le film se dote d’une véritable profondeur, sur tous les plans de construction du film, tout en sachant se montrer ouvert et divertissant, chose assez rare pour être souligné. Et qu’est ce que l’on peut faire avec ce genre de film si ce n’est de le recommander chaudement ? Un futur chef-d’oeuvre a n’en pas douter et une belle reconnaissance pour un réalisateur qui a été trop longtemps sous-côté.

_arabiianprince
9
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le 7 juin 2019

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_arabiianprince

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