Bon, cela fait maintenant presque un mois que je suis allé voir Parasite en salle et je n’arrivais pas à me résoudre à en faire une critique. En fait, je n’avais rien à en dire. Je n’ai d’ailleurs toujours pas une grande inspiration, mais je suis dans le train et j’ai du temps à tuer, donc on va essayer d’écrire quelque chose d’intéressant. Ce n’est pas gagné car j’ai l’impression que tout ou presque a été dit. Les acteurs sont excellents, la musique au poil et la mise en scène superbe. Tout fonctionne dans ce film, et on se laisse aisément entraîner dans cette histoire par des personnages aussi loufoques qu’attachants. On passe par toutes les émotions si ce n’est l’ennui, avec notamment une bonne dose de rires. Conclusion : du point de vue de la qualité du film, je n’ai pas grand-chose à dire qui n’ai déjà été dit (je ne veux par ailleurs pas gâcher la surprise des évènements du film en détaillant trop), et j’espère que ce film obtiendra le statut qu’il mérité parmi les grandes palmes d’or de l’histoire.
Mais ce n’est pas tout, car ce film parle évidemment beaucoup de la société coréenne, et ce qu’on y voit est transposable sans peine à ce que l’on vit en France. Mais là aussi il me semble que tout a été dit : lutte des classes, choc des cultures, mépris social et tout le reste de la rhétorique du bon sociologue y passe. Or moi, je ne suis pas sociologue ; il me sera donc difficile d’apporter beaucoup d’un point de vue conceptuel à tout ceci. Cela ne signifie pas pour autant que toutes ces problématiques ne résonnent pas en moi, bien au contraire. Issu d’une famille franchement bourgeoise (bon moins que ceux du film mais quand même), je constate d’un œil doux amer la justesse avec laquelle est décrite ce monde. Cette espèce de naïveté, de détachement et finalement d’inconscience totale de la vie des classes dites « inférieures » (et ouais, quand on parle d’ascenseur social il s’agit bien de monter et descendre…) reflète parfaitement la réalité de la bourgeoisie moderne. Cette candeur qui produit des phrases qu’on entend souvent dans ce milieu comme « Mais bien sûr que je veux qu’il y ait moins d’inégalités ! Seulement moi, contrairement aux communistes, je veux que tout le monde soit riche, pas que tout le monde soit pauvre ». Je m’égare un peu, mais cela résume bien mon sentiment vis-à-vis des propriétaires de la maison dans le film : ce ne sont pas des gens mauvais, mais ça ne les empêche pas de faire du mal. Il est difficile de les détester, le père semble être un travailleur acharné qui se laisse parfois aller au mépris vis-à-vis de ses employés et la mère est au pire pathétique. Ils ne sont pas particulièrement sympathiques, mais pas complètement antipathique non plus. Comme beaucoup, ils sont simplement déconnectés de certaines réalités, ce qui crée nécessairement un choc lorsque lesdites réalités s’invitent chez toi.
Néanmoins, cette déconnexion est également présente dans l’autre sens, la famille pauvre étant elle-même bien loin de comprendre la réalité de la vie bourgeoise. Ce qu’ils comprennent, c’est que cela vaut probablement beaucoup mieux que vivre dans un entresol dont la fenêtre sert de pissotière aux alcooliques du coin. Cela suffit logiquement à les pousser à grimper hors de cet entresol pour tenter de s’élever dans la société (assez figurativement d’ailleurs, puisqu’ils partent de sous le sol pour tenter d’atteindre une maison visiblement dans les hauteurs de la ville). Mais là où ce film touche le plus juste selon moi, c’est qu’il nous rappelle que pour monter, il faut que d’autres descendent. Cela peut sembler fataliste, mais il me semble qu’une société capitaliste implique l’existence de classes sociales différentiées. Il y aura toujours des employeurs et des employés ou des livreurs et des livrés. Ce constat m’était d’ailleurs apparu après le visionnage de Snowpiercer du même Bong Joon-Ho, à travers le personnage de Tilda Swinton qui ne cesse de répéter ‘So it is’ (‘C’est comme ça’) pour expliquer le fonctionnement du train. Et cela m’a frappé comme étant tristement vrai : notre société donne l’impression d’avancer et de permettre aux gens de changer de wagon, mais en réalité les choses sont comme elles sont et rares sont ceux qui passent en première classe (le seul qui y parvient malgré la violence qu’on lui oppose est d’ailleurs présenté l’élu


du maître, il n'y a pas de hasard


). Ici le constat est moins violent, nos héros semblant tout de même pouvoir profiter d’un semblant de joie de vivre malgré la pauvreté, mais leur tentative d’ascension se solde tout de même par un bon nombre de dommages collatéraux. Car en bousculant l’ordre de choses, non seulement ils prennent la place d’autres personnes qui n’ont rien demandé, mais ils apportent finalement plus de chaos qu’autre chose. On ne peut pourtant pas leur jeter la pierre, mais la société veut garder des chaussures à ses pieds et un chapeau sur sa tête. Si les chaussures tentent de monter sur la tête, ils font déjà plein de traces sur le reste des vêtements, et puis la société se casse la gueule et attrape froid. Bon, cette métaphore est certes douteuse mais je crains qu’elle ne soit le reflet de quelque chose d’assez réel et profondément tragique dans les sociétés humaines.
Mais je m’égare, car heureusement Parasite laisse un arrière-goût bien moins amer que Snowpiercer malgré des similarités dans les sujets qu’ils traitent. On est bien dans une forme de tragédie, mais celle-ci est ponctuée de vie et dépeint une réalité dans laquelle le rire semble être le meilleur remède face à certaines fatalités (le personnage de Ki-Woo ne s’y trompe d’ailleurs pas à la fin du film). Alors oublions pour oublier que le monde est un grand bordel que je ne suis pas sûr qu’on arrive un jour à ranger correctement.

Tamernak
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le 12 juil. 2019

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