Trop de fausses notes pour que le jury de The Voice se retourne

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Amélie Bonnin a choisi de s'essayer au film musical. Partir un jour, est porté par le chant de Juliette Armanet connue entre autre pour avoir interprété Le dernier jour du disco, et par le jeu de Bastien Bouillon, excellent notamment dans La Nuit du 12, Monsieur Aznavour, ou encore Le Comte de Monte-Cristo. Néanmoins, l'on sent la maladresse inhérente à une première réalisation qui, bien que visiblement sincère et parfois touchante, vivote, tangue, semble manquer de souffle.


Juliette Armanet est Cécile Béguin, cheffe révélée par l'émission Top Chef, qui s'apprête à ouvrir son propre restaurant gastronomique. Mais ses certitudes vont se bousculer lorsque sa vie qu'elle pensait toute tracée va se retrouver agitée par une grossesse non désirée, l'infarctus de son père à qui elle va devoir rendre visite en urgence dans son village natal alors que les préparatifs exigent sa présence au restaurant, mais aussi par des retrouvailles avec un amour de jeunesse manqué, qui va notamment remettre en question son actuelle relation de couple.


Partir un jour est avant tout une adaptation du court métrage du même nom, également réalisé par Amélie Bonnin en 2021, à ceci près que cette fois, les rôles masculin et féminin sont inversés, puisque ce n'est plus cette fois l'homme accompli qui revient à ses racines et retrouve son amour de jeunesse, mais bien le contraire. Cécile est cheffe talentueuse et dont la carrière commence à décoller, refusant catégoriquement depuis toujours d'avoir des enfants, qui s'est éloigné du berceau de son enfance, des amis qui s'y trouvaient (et y vivent d'ailleurs encore aujourd'hui), ainsi que de ses parents, cuisiniers dans un restaurant routier. Parfaite incarnation de l'émancipation de la femme, s'excluant des carcans étroits que la société leur réserve habituellement (comme le rôle de mère de famille), et déterminée à gravir l'échelle sociale, quitte à laisser derrière elle ce qu'elle estime encombrant.


Si le film est indéniablement féministe, et pose ici une figure de femme forte inspirante, difficile de ne pas la voir comme un cairn de clichés dont chaque pierre complète un édifice vu et revu dans un nombre incalculable de comédies romantiques et divers films de Noël. Certes, il faut au moins reconnaître le bon goût de ne pas lui avoir donné la conclusion commune, consistant à la faire abandonner sa carrière à succès au profit de l'amour, le vrai, et de le vivre dans son village natal paumé selon une logique conservatrice. Mais ce simple revirement, bien trop gros pour ne pas le voir venir quelques kilomètres en avance, n'est peut-être pas suffisant pour rendre le film véritablement subversif et surprenant.


La principale déception de ce film, c'est malheureusement ce qui aurait dû être son point fort : sa musicalité. Les chansons sont tantôt introduites de façon plus ou moins «naturelle» dans une conversation entre deux personnes ou durant un jeu entre amis, tantôt interprétées par tout un groupe parfaitement synchronisé comme s'il s'agissait d'une pure comédie musicale. D'abord la réalisatrice décide de les encrer dans le monde réel, puis décide notamment lors de sa scène finale de leur conférer une dimension onirique. La manière d'inclure les séquences chantées semble ne pas savoir sur quel pied danser, et ne parvient jamais à faire de choix. La sélection de chansons, toutes issues d'un répertoire populaire, et donc aucune n'ayant été écrite pour le film, est elle aussi assez disparate et peine à convaincre. Les interprétations, hormis celles de Juliette Armanet, sont pour la plupart maladroites et peu justes, et ne sont jamais accompagnées par un enrobage suffisamment attrayant (comme une chorégraphie, un décor coloré...) pour aider à faire passer la pilule, exception faite, encore une fois, du flashback de la patinoire, habilement mis en scène.


Loin d'être entièrement raté, Partir un jour comporte toutefois les incertitudes et les fausses notes d'un premier film, que le réel manque d'inventivité et d'originalité n'aide pas à camoufler. Amélie Bonnin n'exploite pas le talent de ses acteurs à bon escient, et ne fait pas non plus briller ses chansons avec les paillettes et les strass attendus pour un film du genre. La scène de la patinoire, à demi dans le passé, laissant Cécile et Raphaël explorer en chanson et avec mélancolie ce jour ou leur amour de jeunesse a manqué sa dernière chance d'exister, demeure le plus bel instant de grâce du film, avant sa conclusion douce-amère au demeurant savoureuse. Le concert était tout de même appréciable, mais ne mérite peut-être pas un rappel.


(petit regret personnel, je m’attendais à une meilleure utilisation du thème culinaire)

(ou bien c’est juste que je pense qu’à manger je sais pas)

Cigarette-Burns
5
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le 3 oct. 2025

Critique lue 4 fois

Cigarette-Burns

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