Récompensé par une Caméra d’Or au 67ème Festival de Cannes, Party Girl déverse une sauvage et mélancolique ode à la liberté, portée par l’envie de consumer la vie jusqu’à son dernier souffle.

Les accords hypnotiques de Chinawoman emplissent de leurs lueurs pourpres un petit cabaret souterrain de Forbach, village situé à la frontière franco-allemande. Une femme entre deux âges danse lascivement ; d’autres encouragent les hommes à consommer. Assise au bar, à l’écart, Angélique boit. Quelque chose la ronge, comme la braise dévorant les cigarettes qu’elle enchaîne toute la nuit. Ses paupières sont lourdes d’un fard sombre, tentative désespérée de masquer la trace du temps sur son visage. Angélique est une fille de cabaret de 60 ans qui a gardé la ferveur d’une gamine de 18 ans.

Party Girl touche à la peur primaire de vieillir, s’éteindre, être oublié. L’étrange héroïne de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis se débat de toute son âme contre un ennemi invincible : le temps. Elle a dévoré la vie, donné la vie et adoré la vie. Aujourd’hui, le monde autour d’elle ne manque pas d’occasions de lui rappeler qu’elle a perdu sa jeunesse et elle s’apprête à faire face à une retraite inexistante. Lorsque Michel, son habitué et admirateur de longue date, la demande en mariage, tous la poussent à accepter – famille, collègues, amies. Tu comprends, elle va finir par nous rester sur les bras.

Impuissants, nous assistons à son tumulte intérieur, déchirée entre la peur de vieillir seule et celle de s’enfermer dans une cage pas si dorée. La perspective de ce mariage en devient si angoissante que d’insouciante, l’ambiance revêt un voile de claustrophobie qui s’amplifie à mesure que la date approche. L’amour, la peur et l’envie de vivre n’ont pas d’âge. Transcendée par sa propre expérience, Angélique Litzenburger incarne son propre personnage et la transforme en jeune fille effarouchée, en adolescente rebelle, en jeune fiancée volage. Drôle, insupportable, touchante, voire carrément mauvaise, c’est une vraie femme férocement attachée à un mode de vie qu’elle ne peut se résoudre à abandonner. La réalité et la fiction se mêlent dans cette tranche de vie inspirée de la vie de l’actrice, mère d’un des réalisateurs.

Party Girl s’attaque par ailleurs à la vision d’un couple sexagénaire boudé par le cinéma contemporain, avec ses fragilités, ou à une famille éparpillée aux quatre vents qui désire néanmoins garder un semblant d’unité derrière sa façade d’indifférence.

A la lisière du documentaire, Party Girl nous plonge dans le quotidien des habitants locaux, sans faire de manières, méritant plus que jamais sa place en ouverture de la sélection Un Certain Regard cette année. Leur patois franco-allemand nous accueille comme si nous faisions partie d’eux depuis des années. Le blues qui accompagne l’incurable Angélique nous submerge, et nous nous attachons à ses défauts autant qu’à ses qualités, jusqu’à ce final qui nous laisse inquiets et songeurs.
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le 31 août 2014

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