La patte de Ken Loach est reconnaissable dès son premier film, Poor Cow où il dépeint, déjà, la classe anglaise populaire, avec réalisme, beaucoup d'humanité ainsi que de la sensibilité, à travers le portrait d'une femme dans l'Angleterre des années 60.


Avant toute chose, c'est un portrait de femme, celui de Joy qui ne versera pas de larmes pour les hommes qui vont tourner autour d'elle et qui va juste chercher à se faire une place dans la vie. Cette satire sociale fait preuve d'authenticité, et c'est là l'une de ses principales qualités, on croit à ce qu'il se passe, on s'attache à cette femme et aux situations qui vont se dresser face à elle, sans jamais que ça tombe dans les excès inverses. Il montre, déjà, sa capacité à désamorcer certaines situations dramatiques par des touches plus légères qui fonctionnent.


C'est un portrait tout en douceur et surtout vivant et libre que le britannique met en scène, celui d'une femme d'abord enfermée dans un rôle avant de gérer sa vie, comme ses amours, de manière libérée et aléatoire. Il accompagne ce portrait d'une vision plus large de la société britannique d'alors, quitte à filmer les pires tronches du Royaume, évoquant, de manière plus ou moins profonde, le chômage, la misère sociale, la délinquance ou le mal-être. Une chronique qui bénéficie, parfois, d'un aspect documentaire qui fonctionne, mais aussi d'une bonne bande originale signée Donovan.


S'il évite le pathos, le cinéaste britannique n'est pas non plus exempt de tout reproche à l'image d'une mise en scène qui, par moment, ne parvient pas à sortir de son côté naturaliste, et les effets recherchés ne sont pas toujours trouvés. Rien qui empêche de pleinement apprécier Poor Cow non plus, grâce notamment à son côté rafraichissant, par le prisme du tableau purement britannique que Ken Loach exploite merveilleusement ou l'interprétation, très authentique, de Carol White dans le rôle principal (bien accompagnée par Terence Stamp d'ailleurs).


Première mise en scène de Ken Loach, Poor Cow permet au cinéaste britannique d'explorer ses thématiques de prédilections à travers un portrait de femme captivant, sous le signe du naturalisme et qui ne tombe jamais dans le pathos, dressant par la même occasion un tableau bien à lui de l'Angleterre des années 1960.


Terence Stamp, qui a beaucoup aimé cette expérience avec Ken Loach, dira à propos de celui-ci :


Il n’y avait pas vraiment de scénario ni de dialogues. On improvisait constamment. Ken tournait avec deux caméras : c’était la première fois de ma vie, et la dernière, pour l’instant, que je travaillais de cette façon. Et c’est absolument formidable ! Ça va à toute vitesse, et vous êtes dans le champ à chaque minute, alors il faut se donner à fond ! Ça m’enchantait et me perturbait tout à la fois. Parce que Ken Loach me donnait une indication et, sans prévenir, il en donnait une autre contradictoire, à la comédienne Carol White !


Puis


Ken Loach n'a pas compris que je faisais partie de ce milieu dont il aimait parler dans ses films. Ce qu'il voulait créer à travers ses acteurs, je l'avais en moi. Mes parents étaient très pauvres. Nous vivions dans une maison de l'East End, sans salle de bain ni WC. Et, si j'ai toujours eu la chance d'avoir des chaussures aux pieds, mon père, dans son enfance, ne pouvait pas en dire autant.

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le 17 déc. 2020

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Docteur_Jivago

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