Il fait partie de ces réalisateurs qui ont connu un franc succès durant les années 70-80, enchaînant films culte sur film culte. Sans malheureusement réussir à nous ressortir un chef-d’œuvre ses dernières années. À part quelques exceptions (L’Impasse, Outrages, Redacted), Brian De Palma (il s’agit bien de lui) n’est pas encore arriver à renouer avec sa gloire d’antan. Cette période où le réalisateur offrait aux spectateurs Phantom of the Paradise, Carrie, Blow Out, Scarface, Pulsions ou encore Les Incorruptibles. À 72 ans, De Palma nous revient avec Passion, remake du dernier film du défunt Alain Corneau, Crime d’amour. Un retour en force ?

Dans une entreprise multinationale, deux femmes se livrent à un jeu pervers de manipulation : alors qu'Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine, cette dernière profite de son ascendant psychologique sur elle et l'entraîne dans un jeu de séduction et de manipulation...
N’ayant pas vu Crime d’amour, le film original, cette critique ne sera donc pas un comparatif. Et je commence donc par le scénario, qui m’a plutôt bluffé. Pas dans le sens où cela sorte de l’ordinaire (le thème de la manipulation sur fond érotique ayant déjà été abordé par Harcèlement), mais plutôt sur le fait que l’ensemble se montre prenant. En effet, le film démarre aussi sec, sans prendre le temps de présenter les personnages et les liens qui les unissent, et nous entraîne dans un maelström de manipulations et de faux-semblants assez imprévisibles, quoiqu’un peu tirés par les cheveux par moments. Et quand l’histoire vire au drame, c’est un autre film qui se présente à nous. Et pour cause, ce thriller érotique (enfin, plutôt sensuel, je dirais) tourne très rapidement au film policier qui se permet de mêler rêves et réalité, pour désarçonner encore plus le spectateur. Cela peut laisser perplexe et nous perdre, tant ce ne sont plus les personnages qui sont manipulés mais nous-mêmes (la scène finale en est l’exemple). Mais du coup, Passion arrive à nous rendre aussi parano qu’Isabelle. Et pour qu’un scénario puisse nous faire exprimer les sentiments d’un protagoniste, c’est qu’il est tout simplement travaillé.

Mais là encore, le scénario ne serait rien sans la mise en scène de son réalisateur. Et avec Passion, nous n’avions pas vu Brian De Palma aussi inspiré depuis fort longtemps (à part pour Redacted). Il faut dire que le cinéaste est aidé par José Luis Alcaine, le chef opérateur de Pedro Almodóvar, qui avait récemment travaillé sur La piel que habito. Cette association offre à Passion une ambiance stylisée au possible de part des plans captivants (fixes, en biais...) et des jeux de lumière hypnotiques. Ce qui nous permet d’avoir une atmosphère paranoïaque bienvenue ! Du coup, vous pourriez me dire que c’est la mise en scène d’Alcaine et non de De Palma. Je vous ferais ravaler votre remarques en vous rappelant qu’il y a un fameux split screen (exercice de montage qui consiste à coupé l’écran en deux voire plusieurs séquences se déroulant en parallèle, dont le réalisateur est friand) qui donne des airs de voyeurisme à une scène de meurtre. Une mise en scène travaillée, malheureusement gâchée par une musique étouffante, tonitruante et envahissante, qui s’impose bien trop souvent pour surexprimer les sentiments et émotions de chaque séquence. On se croirait presque devant un cartoon de Disney, où chaque composition musicale renforcer ce que l’on devait ressentir. Dommage...

Dommage, en effet ! Car si la mise en scène aidait à nous rendre paranoïaque dans la seconde partie du film, elle sublimait également les actrices principales du film. Avec Paul Anderson comme seul « mâle » du projet (bien que d’autres comédiens soient de la partie, mais plus en tant que figurants). Passion est avant tout une histoire de femmes qui met sur le devant de la scène les délicieuses Noomi Rapace, Rachel McAdams et Karoline Herfurth. Si cette dernière est dépassée par ses « collègues », elle n’en reste pas moins bonne actrice. Mais bon, que pouvait-elle faire aux côtés d’une McAdams tétanisante et glaciale au possible ? Et une Rapace (la Lisbeth Salander de la trilogie suédoise Millénium) qui excelle de plus en plus dans des projets internationaux (rappelons que sa carrière post-Millénium s’est poursuivie avec Sherlock Holmes : Jeu d’Ombres et Prometheus) ? Rien, malheureusement pour elle... Il n’empêche, cela n’empêche à Passion de s’offrir un casting digne de ce nom !

Un avis qui semble à 80% positif mais que je vais quelque peu contredire : Passion est un film parfois bien trop stylisé et parfois tape-à-l’œil pour intéresser un large public. Le film est bien mis en scène, bien écrit et bien interprété. Mais ce jeu de manipulations entre spectateur et réalisateur pourra en perdre plus d’un, les laissant sur leur faim. De ce fait, Passion n’est pas le meilleur film de De Palma. Mais il intéressera tout de même certains spectateurs qui se laisseront emportés sans problèmes par un scénario machiavélique et des actrices épatantes.

Créée

le 2 mars 2013

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