Il s’appelle Paterson et est chauffeur de bus à Paterson, New Jersey, interprété par Adam Driver. On reconnait bien là l’humour et les clins d’œil chers à l’auteur de Only Lovers Left Alive dont le nouvel opus apparait comme une parenthèse magique à la mise en scène toujours aussi élégante et aérienne. Une chronique modeste et plus profonde et subtile qu’elle ne le laisse croire où Paterson joue les poètes bienveillants au volant de son bus, écoutant en semblant les absorber les conversations de ses passagers, tandis que sa pragmatique épouse multiplie les projets en décorant leur maison avec des motifs géométriques en noir et blanc, déployés sur rideaux et meubles, mais aussi sur les jolis cakes qu’elle cuisine sous le regard du chien Marvin – un personnage à part entière.


Loin de l’agitation du monde, mais les lents travellings suffisent en quelques instants à montrer les effets de la crise économique, le film est donc une capsule de quiétude, de bonheur et d’harmonie qui s’articule autour du couple follement glamour formé par l’acteur vu récemment dans Midnight Special et l’irrésistible Golshifteh Farahani dont on peut cependant regretter que le réalisateur la cantonne au rôle de femme au foyer, première fan de son poète de mari.


De la même manière, on peut émettre des réserves sur la qualité desdits poèmes, mais l’important n’est pas là. Il est dans l’extrême douceur, la classe indéniable des plans, l’humour qui affleure dans la récurrence des figures doubles et des excursions vespérales au bar. L’enchainement des jours qui semblent identiques et varient cependant de façon infinitésimale ne provoque aucun ennui tant la fluidité et l’épure confèrent à l’ensemble une élégance parfaite et discrète. Entendre parler pendant deux heures de poésie au cœur d’un écrin raffiné mais jamais ostentatoire constitue un plaisir, une trêve et une respiration dont il serait idiot de se dispenser. Un splendide cadeau de Noël.

PatrickBraganti
9
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le 21 déc. 2016

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