Walker Alien Ranger

Paul, c'est n'importe quoi; c'est la continuité non officielle de la trilogie des Cornetto, en encore plus surréaliste. Il s'en donne à coeur joie, multiplie les références et les détournements, ne se prive jamais de nous sortir les pires idioties avec une sincérité réjouissante. Film de geek pour les geeks, il s'inscrit dans toute cette nuée de comédies parodiques finaudes qui, héritières des Y'a-t-il un flic et autre Hot Shots, s'attachent autant à parodier des genres cinématographiques que la pop culture en général.

Porté par une âme d'enfant vieillissant, Paul se pose comme un road-trip attachant, bien foutu, bordélique au point d'en devenir surréaliste. Il accumule les tares volontaires et les retournements de situation saugnenus, joue avec les facilités scénaristiques et autres Deus Ex Machina jusqu'à cette fin au caméo terrible (l'on dirait que le personnage n'était présent que pour amener une phrase culte) et grand guignolesque, summum de la stupidité surréaliste.

Parce que Paul s'assume, et c'est en sachant qu'il est une parodie qu'il a l'intelligence, au contraire de Deadpool 2, de ne pas se persuader qu'il est bon parce qu'il fait des blagues méta, et c'est pour cela qu'il ne se prend jamais au sérieux : parce qu'il reste modeste, ne cherche pas à s'inscrire dans un mouvement cinématographique relativement récent, et duquel ressortent toujours plus de films briseurs de 4ème mur (films qui se sentent souvent bien intelligents de le faire).

Non, Paul le fait parce qu'il veut qu'on ressente ce que l'équipe a pu éprouver en le tournant, en alignant toutes ces références aux oeuvres de leur/notre enfance : Star Wars, Terminator, Steven Spielberg, le Comic Con, la forme même de l'alien dans la culture geek, tout est pensé pour à la fois porter un ressort comique et offrir une vision particulière de notre culture contemporaine (que Ted 2 ne se gênera pas de reprendre sans grande finesse, par ailleurs).

On pourra croire le contraire, mais Paul est un film intelligent : les thèmes auxquels il réfléchit, s'ils ne sont pas les plus complexes imaginables, sont abordés avec une justesse particulière, s'accompagnant parfois d'une émotion non dissimulée (le trio Pegg/Frost/Wigg est parfaitement attachant), qui sera légèrement gâchée par l'invraisemblance totale de la fin. C'est certes surréaliste tout du long, avec ces personnages qui viennent toujours au bon endroit, au bon moment pour faire avancer l'intrigue, mais aussi vrai qu'il y a des degrés d'abstraction dans le surréaliste, Paul semble avoir détruit toutes les normes possibles pour nous amener une conclusion qui marque parce qu'elle n'a justement pratiquement aucune logique scénaristique.

C'est surtout pour cela que c'est seulement un bon film : réjouissant comme tout, il détend sans chercher à se prendre la tête, et dans sa volonté de toujours faire plus pour divertir, de toujours balancer la référence qui sera encore plus hype que la précédente, il entre rapidement dans une course à la référence néfaste pour son propre propos, chose que le dernier Deadpool, pour le reprendre, a bien connu.

Tout de même pas trop mal filmé, bien rythmé, excellement bien interprété, Paul reste comique et contient ses moments hilarants (la découverte de l'Alien est fantastique) mais il se perd à trop vouloir intéresser, comme si son réalisateur, Greg Mottola, n'était pas sûr d'avoir les épaules pour diriger un tel duo comique, et ne savait pas comment faire autant briller le fond de son film que la forme en partie apportée par Pegg et Frost. Bien plus que de chercher à s'inscrire dans un mouvement cinématographique, Paul cherche surtout à exister en tant que film et non comme le prolongement de la trilogie d'Edgar Wright, ses deux acteurs ne l'aidant pas forcément à s'en démarquer. Le fait est qu'il parvient finalement a exister seul, mais c'est par ses références, son rythme de l'humour et ses personnages très anglais, pas bien lointains des Cornetto.

Sympathique, un excellent moment.